Agroécologie et solidarité dans le Douar…

Nous vivons une année exceptionnelle, compliquée, douloureuse, qui a connu le confinement de millions d'êtres humains à travers le monde

Une ferme écologique marocaine
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Illustration - Une ferme écologique marocaine

Nous vivons une année exceptionnelle, compliquée, douloureuse, qui a connu le confinement de millions d'êtres humains à travers le monde. Alors que je vis en France dans une grande ville, je me suis retrouvée confinée dans un petit douar enclavé de la Province de Chichaoua, celui où notre association France et Maroc Au Coeur intervient pour lutter contre la pauvreté et soutenir un développement durable. Nous améliorons l'accès à l'eau et soutenons le développement des jardins familiaux pour une auto-suffisance alimentaire.

Loin de ma famille, mais proche de la Nature, libre d'aller et venir dans nos jardins, j'ai eu conscience de notre chance d'être à la campagne plutôt qu'à la ville. Nous pouvions profiter du grand air, marcher, admirer les paysages montagneux, l'arrivée du printemps puis de l'été. J'ai profité de ce temps de pause contraint, pour mettre mes mains dans la terre, semer, planter et découvrir le plaisir de récolter. J'ai observé les tortues, hérissons, oiseaux et autres animaux et insectes.

Dans nos jardins pédagogiques, nous avons fait le choix de l'agroécologie, une agriculture respectueuse de l'environnement qui permet de produire des aliments sains et diversifiés, d'obtenir de bons rendements, tout en enrichissant les sols et en améliorant la biodiversité.  Elle nécessite peu de matériel et est adaptée aux zones arides. Elle évite les pollutions par des intrants et est économe en énergie. Une agriculture qui ne pouvait que plaire à des passionnés de Nature, de jardins remarquables et de fermes pédagogiques qui ont décidé de s'engager dans des projets associatifs où l'humain et l'environnement étaient au cœur!

Mais l'agroécologie, c'est bien plus que des pratiques agricoles. Selon la FAO  "L’agroécologie est une approche intégrée qui applique concomitamment des notions et des principes écologiques et sociaux à la conception et à la gestion des systèmes alimentaires et agricoles. Elle vise à optimiser les interactions entre les végétaux, les animaux, les humains et l’environnement, sans oublier les aspects sociaux dont il convient de tenir compte pour qu’un système alimentaire soit durable et équitable. "  

Pour encore mieux comprendre, je vous invite à découvrir les livres de Pierre Rabhi, le philosophe paysan, qui nous a inspirés par son engagement pour l'agroécologie, notamment en Afrique (Maroc, Burkina Faso...). En France, Il a permis la création de structures de l'économie sociale et solidaire innovantes comme le Centre agroécologique des Amanins. Il s'est impliqué dans le mouvement des Oasis en tous lieux et celui des Colibris. En nous racontant la légende du Colibri, il nous a invités à faire notre part pour améliorer un peu notre Monde.

En effet, face aux défis du changement climatique, des sécheresses répétées, des pluies violentes, du stress hydrique, des pollutions, de la disparition des forêts, de nombreuses espèces animales, de la biodiversité ... Nous pouvions soit rester des spectateurs impuissants, soit être des acteurs de changements même à une échelle modeste.

Nous avons opté pour l'action dans le milieu rural marocain et nous avons rêvé, dès 2011, d'un écovillage ou  écodouar, mais un contexte difficile nous a obligés à avancer à petits pas.

Le douar El Hamri est le village de mon grand-père paternel, celui où enfant, je venais quelques jours en vacances. J'ai des souvenirs de promenades au milieu des figuiers de barbarie, de jeux dans l'eau des séguias (petits canaux) à l'ombre des oliviers ... A cette époque, il n'y avait pas de toilettes, d'eau courante, d'électricité. Une source de montagne alimentait les séguias et les familles avaient toutes des metfyias (bassins de rétention) pour stocker leur eau.

Les années ont passé et les conditions de vie se sont améliorées, cependant les sécheresses successives ont fait disparaître de nombreux arbres, la source de Montagne ne donne plus d'eau en été, les sols sont nus et subissent l'érosion, le bétail manque de nourriture, la pauvreté est bien présente et a pour conséquence l'exode rural.

En 2011, les jardins familiaux n'existaient plus, mis à part quelques plantes aromatiques dans le patio des maisons et un ou deux arbres fruitiers. Nos échanges avec les villageois, les femmes et les hommes, nous ont permis de comprendre leurs difficultés, notamment le problème de l'eau. Nos priorités sont devenues évidentes: agir pour une auto-suffisance alimentaire des familles et améliorer leur accès à l'eau.

C'est ce que nous avons commencé à réaliser avec un certain succès.

Pour un Maroc rural plus résilient et écologique, nous pensons que certaines actions que nous essayons de mener à bien dans notre Douar sont à dupliquer et à mettre en œuvre dans différentes régions du Maroc, telles que :

  • La gestion de la problématique de l'eau afin de préserver la ressource et optimiser son utilisation: à travers la collecte des eaux pluviales, la valorisation du "patrimoine de l'eau" (séguias, metfyias, khettaras), la restauration des réseaux d'adduction en eau potable (fuites), l’économie des eaux d'irrigation par des techniques simples adéquates et adaptées au contexte.
  • La formation et la sensibilisation des femmes et des hommes à l'agroécologie puis les soutenir dans la création de leur jardin familial. Ainsi, les familles améliorent leur alimentation en la diversifiant, tout en créant de petites "oasis", lieux de bien-être et d'activité familiale.
  • La promotion et le soutien à l'agriculture familiale en améliorant l'accès à l'irrigation.
  • Le développement de jardins scolaires agro-écologiques dans les écoles primaires, les collèges et les lycées afin de sensibiliser, dès le plus jeune âge, les citoyens de demain.
  • La gestion de la problématique des déchets, notamment en milieu rural (pollution de l'eau et des sols), afin d'améliorer la santé humaine et animale...
  • La création de lien entre le milieu rural et les villes, non seulement pour organiser des visites des jardins par les scolaires, mais aussi pour permettre aux citadins d'accéder à une alimentation saine, issue d'une agriculture familiale.

Dans le cadre de notre expérience, nos jardins pédagogiques ont pu faire la démonstration que l'agroécologie était accessible aux familles rurales.  Des centaines de personnes ont été sensibilisées, des milliers d'arbres ont été plantés, des jardins familiaux se sont développés mais la problématique de l'accès à l'eau constitue encore un frein à l'auto-suffisance alimentaire. Il reste beaucoup à faire mais notre rêve d'éco-douar semble à portée de main!  

UN MAROC … TOUT EN ECOVILLAGES
… Comme un souffle vert sur les toits de la ville