La conférence s'est finalement achevée au petit matin du dimanche 14 décembre. Après deux longues semaines de négociations, les délégations qui ont pris part à la COP 20 à Lima ont adopté une décision finale édulcorée et simplifiée en ce qui concerne la poursuite des efforts initiés par la plateforme de Durban pour que d'ici 2020 soit préparé un nouvel accord, qualifié à tort d'« Appel de Lima pour le changement climatique ». Ce résultat est plutôt décevant et ne constitue pas une avancée. La conférence sur le climat qui s'est tenue à Lima a effectivement eu très peu de retombées bien que les attentes étaient au départ assez modestes. L’alliance contre nature de l'élite de la sphère politique et des entreprises dans les pays développés et ceux en voie de développement pense que quelques promesses sans grande importance et non imposées – des actions trop insignifiantes et de surcroit trop tardives – seraient suffisantes pour aller au-delà du laisser-faire ambiant, mais ce type d'action ne fait au contraire que le renforcer. En renforçant les droits des entreprises et en augmentant leur rôle et leur visibilité dans les négociations, la conférence de Lima n'a absolument rien fait pour soutenir de droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne le combat pour l'égalité des sexes et les droits des peuples indigènes. Ceci marque non seulement un fort contraste avec la réalité des impacts du changement climatique sur le terrain mais ceci illustre également le décalage avec le nombre grandissant des personnes ordinaires, des mouvements sociaux et des organisations qui descendent dans les rues de New York à Lima pour exiger que de véritables mesures soient prises pour le changement climatique et surtout pour qu'une justice soit instaurée dans ce même domaine. Au lieu d'accélérer les démarches et la volonté de faire bouger les choses, les résultats très insatisfaisants de la COP 20 risquent de ralentir jusqu'au point d'inertie les négociations sur le changement climatique entreprises par l'ONU alors que se profile la conférence sur le changement climatique qui se tiendra à Paris l'année prochaine. Lors de cette prochaine réunion, les gouvernements devront normalement signer un nouvel accord international. L'avenir de la politique internationale en ce qui concerne le changement climatique reste de manière déconcertante totalement incertain avec l'Appel de Lima pour le changement climatique qui s'est soldé par ce qui ressemble en tout point au « mur du silence » de faux preneurs de décisions.
S'engager et discuter
Il y a plus de deux semaines, les délégués qui ont pris part au Groupe de travail ad hoc sur la Plateforme de Durban pour une action renforcée (ADP) ont débattu sur les diverses options de texte afin de progresser dans leur travail et d'esquisser les éléments sur lesquels ils devraient aboutir à Paris lors des prochaines négociations en 2015. De toutes les solutions abordées par l'ADP, avant ou au début des discussions sur le changement climatique tenues à Lima, dans le résultat final certaines des plus ambitieuses solutions initialement proposées ont été abandonnées ou bien la solution la plus faible qui représente le plus petit dénominateur commun a été sélectionnée. Ce faisant, les références aux engagements forts et ambitieux vérifiables ont été supprimées tout comme, le partage équitable et impartial des charges, ainsi que les références aux droits de l’Homme. Voici une évaluation rapide des attentes de base et la manière dont elles ont été traitées au final :
Le Groupe de travail ad hoc sur la Plateforme de Durban pour une action renforcée (ADP) est un organisme subsidiaire à la CCNUCC qui a été établi lors de la COP 17 qui s'est tenu à Durban en Afrique du Sud en décembre 2011. Le mandat de l'ADP consiste à « développer un protocole, un nouvel instrument juridique ou une issue consentie ayant force juridique selon la Convention applicable à tous les Parties », qui devra être mis au point au plus tard en 2015 afin qu'il puisse être adopté à la COP 21 qui se tiendra à Paris en 2015 et être mis en œuvre après 2020 (= ADP volet I). Simultanément, la COP a lancé un plan de travail afin de favoriser les objectifs qui visent à atténuer l'empreinte carbone ce qui permettrait de réduire l'écart entre les résultats obtenus et les objectifs (« écart de la gigatonne ») avant 2020 (= ADP volet II). L'année dernière lors de la COP 19 qui s'est tenue à Varsovie, les gouvernements ont décidé de mettre en avant leurs « mesures d’atténuation appropriées au niveau national » (MANN) comme des engagements pour les négociations qui se tiendront à Paris. La formulation des MANN sont un compromis entre tous les principaux pays émetteurs de gaz à effets de serre et les mesures que ceux-ci sont prêts à proposer. Ces propositions seront uniquement déterminées par les circonstances nationales et non pas par les besoins urgents de réduction des émissions au niveau planétaire – une renonciation évidente d'une approche descendante avec des engagements obligatoires et applicables.
Les gouvernements auraient dû se mettre d'accord sur le champs d'application, le format, le calendrier et la révision des mesures nationales (les engagements) qui constitueraient ensemble les négociations de Paris. L'espoir était que ces mesures d’atténuation appropriées au niveau national (MANN) couvriraient non seulement la réduction des émissions mais que celles-ci prendraient également en considération l'adaptation des pays à ces mesures et le financement. Deux éléments qui devraient tout deux être revus ex-ante et ex-post afin d'évaluer l'impact collectif ainsi que l'objectif et l'impartialité des mesures nationales respectives.
À propos du champ d'application : À présent, suite à la conférence de Lima, les parties sont uniquement « invitées » à communiquer leurs MANN, elles sont « toutes invitées à envisager de communiquer les mesures mises en œuvre pour leur adaptation », et le texte ne mentionne plus le financement dans le cadre des MANN. À propos du format : Ce sont uniquement les parties qui décident de ce qui sera inclus dans leurs mesures d’atténuation appropriées au niveau national (MANN) ainsi que la manière qu'elles emploieront pour élaborer le rapport indiquant les progrès accomplis. Être d’accord sur un format commun pour les prérequis d'informations pour les MANN était considéré comme une issue essentielle aux négociations de Lima afin de garantir la comparabilité des mesures prises au niveau national. Au lieu de cela, nous avons à présent une myriade de MANN diverses et variées avec aucune garantie que toutes les parties participeront à leur mise en œuvre et aucune date butoir indiquant lorsque ces mesures devront être appliquées. On demande aux parties qui sont « prêtes à le faire » de communiquer leur MANN au cours du premier trimestre de. Et finalement : Aucune évaluation ex-ante des MANN ne sera entreprise, juste un rapport de synthèse sur l'effet collectif de ces MANN qui devra être reçu début octobre c'est-à-dire juste quelques semaines avant que ne débute la COP 21 et il sera donc bien trop tard pour que l’on puisse se servir du rapport afin d'augmenter proportionnellement les objectifs. Ceci laisse peu d'espoir pour Paris et envoie malheureusement le message et le signal clair que les négociations de Paris ne pourront même pas aboutir sur « un engagement et une révision » mais uniquement sur « un engagement et une discussion ».
Merci, Berlin !
Le financement, comme dans les précédentes conférences sur le changement climatique, était considéré être un élément essentiel pour atteindre un résultat ambitieux. L'issue de la conférence de Lima va dans le sens de cette analyse – qui est devenu un adage pour les prévisions de la réussite de la COP – qui est de nouveau exacte. Sans la première réunion qui s'est tenue à Berlin à la fin du mois de novembre pour aborder les engagements pour le Fonds vert pour le climat, la COP 20 de Lima n'aurait mis en place aucune obligation pour les parties de communiquer des informations sur le financement du changement climatique. Merci, Berlin ! Toutefois, les gouvernements des pays développés ont pu justifier leur refus d'inclure toute référence au financement dans les décisions de l'ADP pour soutenir les ambitieuses MANN formulées par les pays développés au cours de leurs engagements antérieurs vis à vis du Fonds vert pour le climat à Berlin. Ils ont également rejeté l'appel pour une feuille de route en préambule à 2020 afin d'établir avec certitude une augmentation graduelle du financement pour le changement climatique pour qu'il atteigne 100 milliard USD par an d'ici 2020. Au lieu de fixer les cibles vérifiables qui permettraient d'augmenter graduellement les engagements de nouveaux financements prévisibles pour les prochaines années, la décision prise au terme de la COP sur le financement à long terme se contente d'une réitération de la décision de Cancun et de la promesse de mettre en place des ateliers des séances annuelles et « accueille avec la reconnaissance » les engagements pris vis à vis du Fonds vert pour le climat.
Plaçons ces engagements pris vis à vis du Fonds vert pour le climat dans leur contexte : alors que les engagements collectifs de 29 pays pour réunir de nouveaux fonds s'élevant à 10,2 milliard USD sur quatre ans sont les bienvenus – à Lima, la Norvège, l'Australie, la Belgique, le Pérou et la Colombie étaient les derniers pays à s'engager – ce montant est une première étape cruciale pour établir le Fonds vert pour le climat comme le fonds multilatéral pour le climat le plus important. Ce montant peut uniquement être considéré comme un petit versement initial et devrait être la première étape d'un engagement à long terme qui augmentera graduellement. Cet engagement devra être tenu par les pays développés qui selon l'Annexe II de la convention ont des devoirs de financement pour soutenir les efforts de réduction des émissions et l'adaptation des pays en voie de développement. Ceci relève avant tout d'une question politique plutôt que d'un manque de moyen financier, bien que les pays de l'Annexe II essayent de nous persuader du contraire. Ceci est illustré dans un nouveau rapport international sur les nouveaux carburants qui indique que ces mêmes pays inclus dans l'Annexe II continuent d'offrir un soutien financier pour l'exploration de combustibles fossiles à raison de 26,6 milliards USD par an – presque trois fois le montant promis initialement pour le Fonds vert pour le climat et qui pourrait devoir durer quatre ans. Bien sûr, cette obligation énoncée dans l'Annexe II qui stipule que les pays concernés doivent fournir graduellement un financement publique pour le changement climatique est précisément fortement critiquée à l'aube de la conférence qui se tiendra à Paris. À Lima, les pays industrialisés ont vivement insisté pour que « toutes les Parties qui sont dans une position de le faire » financent les mesures pour le changement climatiques pour les pays les plus pauvres, alors que les pays en voie de développement au nom de l'équité veulent maintenir une différenciation dans le financement et également pour le nouvel accord qui interviendra après 2020.
Ce qui peut être strictement considéré comme un financement pour le climat ainsi que les rôles respectifs du financement du climat dans le secteur public et dans le secteur privé ne sont pas clairement définis, malgré la révision des flux du financement du climat que le Comité Permanent pour le Financement a fournie à la COP. L'avenir du fonds actuel pour le climat est également incertain avec la Convention à présent que le Fonds vert pour le climat est la nouveauté. À Lima, le Fonds d'adaptation du protocole de Kyoto, dont le rôle novateur permet aux pays d'avoir un accès direct au financement a été reconnu par les Parties. Ces pays qui avaient jusque là lutté en raison du manque de soutien des pays développés, ont reçu une bouffée d'oxygène de dernière minute grâce à une contribution de 55 millions EUR annoncée par l'Allemagne. Toutefois, ceci est loin du financement prévisible qui était exigé afin de traiter la giga tonne d'émission carbone identifiée et les adaptations entre les résultats obtenus et les objectifs. Ce financement pourra uniquement venir de contributions obligatoires et évaluées des pays figurant dans l'Annexe II. Le discours sur le financement du climat qui s'est tenu à Lima n'a rien fait pour accroître la probabilité d'un tel financement dans un système climatique postérieur à 2020
Perdu et endommagé
Les pertes et les dégâts sont les effets défavorables du changement climatique qui vont au-delà des capacités des hommes et des écosystèmes à faire face et à s'adapter aux impacts du changement climatique. Les pertes et les dégâts comprennent : les événements extrêmes (les risques naturels liés au temps) et les événements à évolution lente (la hausse du niveau des mers ; le réchauffement climatique ; l'acidification des océans ; le recul glaciaire et les impacts liés au phénomène ; la salinisation ; la dégradation des terres et des forêts ; la perte de la biodiversité ; la désertification). Les pertes et les dégâts arrivent partout et en tout temps : En 2013, le typhon Yolanda (Haiyan) a déplacé 4 millions de personnes, 1 million de maisons ont été détruites ou endommagées, pas moins de 6 300 personnes ont été tuées. Aux Philippines, le bilan financier de cette catastrophe s'est élevé approximativement à 2 milliards USD. Alors que les négociations se déroulaient à Lima, le typhon Hagupit frappait les Philippines ; si ce dernier a causé moins de dévastations que Haiyan un an auparavant, ceci était uniquement dû au fait qu'il a été à l'origine du plus grand déplacement de populations en temps de paix dans toute l'histoire – avec les coûts intérieurs supportés par le gouvernement philippin.
Alors que les Philippines étaient pleinement frappées par le typhon Hagupit – avec une tempête destructive qui frappait le pays pour la troisième année consécutive alors que se déroulaient les négociations sur le climat – le problème « des pertes et des dégâts » au final ne figure même pas dans le texte de la décision de l'ADP qui a été établi à Lima. L'Appel lancé à Lima pour l'action mentionne uniquement la décision prise l'année dernière pour établir le Mécanisme de Varsovie pour traiter les pertes et les dégâts mais il ne présente pas les pertes et les dégâts comme un problème à traiter séparément de l'adaptation qui sera abordée dans les négociations de Paris. Cet appel ne reconnaît également pas les besoins de financement supplémentaire pour les pertes et les dégâts en plus du financement qui est requis pour combler ce que le nouveau rapport du PNUE appelle « l'écart d'adaptation ». À Lima, les mesures pour les pertes et les dégâts ont uniquement été abordées dans le cadre du domaine technique en ce concentrant exclusivement sur la composition du Comité Exécutif pour le Mécanisme de Varsovie ainsi que sur son projet de mission pour les deux prochaines années.
Le monde a changé de façon spectaculaire depuis la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1992 et il est clair que sans équité il n'y aura pas de négociation. À Lima, les gouvernements auraient normalement dû traiter le problème de la différenciation entre les pays développé et les pays en voie de développement. Une proposition intéressante émise par le Brésil à propos d'une notation volontaire et des cercles concentriques a été largement abbordée, mais aucune décision n'a été prise. Le texte de Lima réaffirme uniquement le principe des responsabilités communes mais différenciées ainsi que les capacités de chacun sans fournir de perspectives sur les moyens qui pourraient être mis en œuvre pour que ce principe et ces capacités soient opérationnels dans l'accord de Paris.
Qui plus est, les délégations à Lima ne se sont pas mises d'accord sur le fait que l'Annexe de presque 40 pages de l'Appel de Lima pour le changement climatique (intitulée : « les éléments pour un projet pour négocier le texte ») constitue effectivement un projet pour négocier le texte et réitère le besoin de fournir un tel texte de projet avant mai 2015.
Enfin, on doit se rappeler que les négociations qui seront signées à Paris seront uniquement applicables après 2020. Ceci est la raison pour laquelle le mandat de Durban a créé un deuxième volet pour pouvoir traiter les ambitions antérieures à 2020. Non seulement aucun progrès n'a été apporté à Lima dans ce volet, la décision qui a été actuellement prise lors de cette conférence permet à de nombreuses technologies problématiques et à des fausses solutions d'être vues comme des options pour réduire les émissions dès lors que celles-ci contiennent un « fort potentiel de réduction des émissions ». Une clause d'évaluation de la technologie ou bien des garanties de protections environnementales et sociales sures auraient dû être une condition minimum mais n'apparaissent toutefois pas dans le texte.
Certains pourraient se demander ce qu'il est advenu de la ratification de la deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto (PK) sur laquelle les intervenants s'étaient mis d'accord à Doha. Un amendement au PK qui a été fortement contesté par la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie depuis que les intervenants s'étaient mis d'accord à Doha empêche efficacement le phénomène d'un nouvel « air chaud ». Ceci est la raison pour laquelle ces trois pays qui sont de gros producteurs d'airs chauds aimeraient que l'amendement ne s'applique pas uniquement à la deuxième période d'engagement du PK mais qu'il puisse également s'étendre jusqu'à la période postérieure à 2020. Ces trois pays ont tout fait pour bloquer efficacement tout progrès sur la question (ces pays ont bloqué des sessions de négociations entières à cause de cela). Sans une résolution au problème de ces « crédits zombies », il existe aucune garantie que les parties du PK ratifieront les amendements de Doha. Bien que l'UE et l'Ukraine semblent avoir trouvé un compromis de dernière minute à Lima, la présidence péruvienne de la COP qui a été particulièrement défiée n'a pas voulu aborder à nouveau ce problème compte tenu de toutes les difficultés non résolues dans l'ADP. La ratification pour la deuxième période de l'engagement demeure donc incertaine pour le moment. Actuellement, seules 21 parties ont accepté l'amendement de Doha – parmi les nouveaux signataires, on compte la République du Nauru et l'État des Tuvalu, reconnus comme n'étant pas de gros émetteurs de gaz à effets de serre -- alors que 144 signataires seront nécessaires pour que l'amendement devienne applicable.
Où – et avec qui – se sont-ils tenus à Lima ?
La dynamique des négociations et les groupements de pays dans les discours sur le climat sont aussi complexes et quelquefois même aussi contradictoires que la politique dans le monde réel. Voici certaines observations marquantes à propos de la conférence de Lima :
Le groupe de pays en voie de développement partageant le même avis et qui jusqu'à la conférence de Varsovie l'année dernière s'était agrandi et était connu pour ses fortes prises de position pour conserver un « pare-feu » entre les pays développés et les pays en voie de développement a perdu un de ses membres (les Philippines) connu pour son franc parler au cours des négociations sur le climat qui se sont déroulées juste avant la conférence de Lima. En général, on peut déclarer que le G77 et la Chine en tant que groupe ont de plus en plus de mal à trouver des positions communes sur aucun des problèmes principaux. Surtout que le groupe d'états africains et l'Alliance des petits États insulaires (AOSIS) ont à maintes reprises décidé de traiter eux-mêmes la question afin de pousser les questions qui sont primordiales pour leur avenir, notamment sur l'adaptation, le financement et les pertes & les dégâts. On remarque également que le groupe DE BASE (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) ne parle plus d'une seule et même voix dans les négociations, bien que ces pays continuent à se rencontrer en tant que groupe. Le fait que la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie – malgré de véritables situations géopolitiques de conflits - semblent continuer à partager une voix et un objectif communs dans leur position sur la question de « l'air chaud » dans le Protocole de Kyoto. Le rôle très constructif que certains pays d'Amérique du sud ont joué lors des négociations de Lima (démontrant, notamment, un important leadership en faisant des promesses financières, et en offrant des options novatrices en matière de négociations) n'était au terme de l'événement pas reflété dans le résultat final.
De Lima à Paris : Le changement de système, et non pas le changement climatique !
2014 était le point culminant pour un certain nombre de luttes pour une justice climatique à travers le monde. Comme à Copenhague (2009), Cochabamba (2010) et Rio + 20 (2012), les mobilisations ont été mises en œuvre à ce stade comme un élément du processus de construction collectif Les marches qui se sont déroulées à New York en faveur du climat (la conférence de l'ONU sur le climat en septembre 2014), Isla Margarita (la pré conférence des parties avec les organisations et les mouvements sociaux qui s'est tenue au Venezuela en novembre 2014), et surtout Lima (COP 20) continue à construire un mouvement de justice pour le climat en amont de la conférence de Paris en 2015 et au-delà. Ce mouvement consiste de la mobilisation, de l'engagement, des réflexions et des convergences accumulées ainsi qu'un programme international commun et établi.
Le Sommet des peuples sur le changement climatique a été tenu à Lima du 8 au 11 décembre 2014 et représentait une expression de la mobilisation et un processus de résistance au programme officiel de la CCNUCC. Les voix des personnes exploitées, opprimées, et marginalisées par un système économique et culturel à travers le monde comprenaient des mouvements de paysans, les peuples indigènes, et des communautés traditionnelles. La marche d'environ vingt milles manifestants qui s'est déroulée le 10 décembre s'adressait aux gouvernements pour leur demander de respecter leurs peuples. Les manifestants ont également réclamé la proposition d'engagements forts pour le climat et non pas de fausses solutions censé protéger la Terre-Mère. La Déclaration de Lima reflète les convergences créées pendant tous ces divers processus, y compris la Déclaration d'Isla Margarita et les messages clés pour la COP 20 et la Réunion des ministres lors de la pré conférence des parties avec les organisations et les mouvements sociaux qui s'est tenue en 2014
Les dates importantes pour la mobilisation globale en amont de la conférence de Paris ont été présentées à Lima pendant le rassemblement de convergence organisé par la coalition française de la COP 21 ainsi que leurs alliés d'Amérique du sud. Il y aura une poussée collective pour mobiliser un changement du modèle de développement applicable à travers le monde les 29 et 30 mai 2015. Les 13 et 14 juin en France, une réunion sera tenue en préparation aux activités qui se dérouleront au cours de la COP 21. Le 26 septembre, des activités du « mouvement Alternatiba » se dérouleront partout dans France. Le 29 novembre 2015 – l'ouverture de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris - a été choisi pour être le « Jour d'action internationale » pour la COP 21. La fin négociations de la COP 21 sera également marquée par un certain nombre de manifestations à Paris.
Les droits des entreprises sont plus importants que les droits de l’Homme
Globalement, les choses ne semblaient pas si mal avant la conférence de Lima. L'UE s'est mise d'accord pour un le paquet climat et énergie d'ici à 2030. (Bien que cet accord ne va pas au-delà du laisser-faire ambiant et qu'il ne comprend pas de cibles obligatoires pour l'efficacité et l'utilisation des énergies renouvelable, il a toutefois au moins fourni un objectif pour la réduction intérieure de 40 % des émissions). Les États-Unis et la Chine ont signé une proposition bilatérale - qui est très éloignée de ce dont en quoi leurs actions justes devraient consister ainsi que de l'objectif du 2°C mais qui demeure néanmoins diplomatiquement importante. Un grand Sommet de l'ONU qui rassemblera des chefs d'état et de gouvernement au mois de septembre à New York a permis d'obtenir un certain nombre de nouveaux engagements et initiatives provenant du secteur privé afin de graduellement augmenter les mesures pour le climat. Le secteur privé montre les premiers signes qu'il a compris et est prêt à faire face au risque financier d'une « bulle de carbone » (par exemple : les fonds d'investissement souverains norvégiens envisagent de retirer les investissements qu'ils avaient engagés dans les combustibles fossiles et la Banque d'Angleterre examinera la vulnérabilité que des actifs provenant des combustibles fossiles pourrait représenter pour la stabilité du système financier). Et le Fonds vert pour le climat a atteint son objectif minimum d'au moins 10 milliards USD à la fin de la COP 20 dans ses efforts initiaux de mobilisation des ressources.toujours en œuvre à l'heure actuelle. Alors - comment et pour quelle raison a-t-on abouti à un tel désastre à Lima ?
Pour commencer, les perspectives de réussite ont paru à Lima plus prometteuses qu'elles ne l'étaient réellement : Les objectifs de l'UE, des États-Unis et de la Chine nous positionnent toujours vers un réchauffement climatique de 3,8°C, et les 5 derniers rapports d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) soulignent les dangers imminents liés au changement climatique et à l'inaction. Toutefois, ses recommandations sont préoccupantes et placent les solutions techniques à un niveau encore plus élevé que les changements et les réformes fondamentales qui devraient être mis en place afin d'éviter le changement climatique catastrophique. Ces recommandations prend sérieusement en considération un dépassement du seuil des 2°C et la création « d'émissions négatives » pour pouvoir atteindre « zéro émission » par le biais de l'entreprise périlleuse et coûteuse du piégeage et stockage du carbone et en promouvant des technologies inexistantes de géo-ingénierie (comme la BECCS = Bio-énergies avec le piégeage et le stockage des émissions de CO2) et de les considérer comme des solutions envisageables et une excuse pour se laisser porter par le laisser-faire ambiant. Pas étonnant que les seules personnes qui ont quittées Lima avec un sourire de satisfaction sur le visage étaient les partisans du piégeage et du stockage des émissions de CO2 dans toutes leurs formes multiples.
La Bio-énergie avec le piégeage et le stockage de carbone (BECCS) est un parfait exemple d'utilisation pour la nouvelle « approche du dépassement » de la non-émission de gaz à effet de serre. La BECCS signifie planter une quantité énorme d'herbe et d'arbres, de brûler la biomasse afin de produire de l'électricité, de capturer le CO2 qui est émis, et de le pomper ensuite dans des réservoirs géologiques sous-terrains. La BECCS aurait d'importantes implications sur le développement,et provoquerait à grande échelle l'accaparement des terres, des personnes les plus pauvres très probablement. Ceci n'est pas un scénario surréaliste ; la demande croissante pour les bio-carburants a engendré l'accaparement des terres dans les pays en voie de développement et la perte de leur gagne-pain pour des millions de personnes les plus pauvres et ce, pour de nombreuses années ce qui entraînera un véritable défi.en matière de sécurité de l'alimentation au niveau mondial. Il faudrait beaucoup plus de terre pour compenser une part importante des émissions de CO2. En effet, on estime qu'il faudrait convertir environ 218-990 millions d'hectares devraient être contenir une espèce de céréale sauvage, du Panicum virgatum afin de saisir un milliards de tonnes de CO2 en utilisant la BECCS. Cela représente 14` à 65 fois la quantité de terre utilisée par les États-Unis afin de faire pousser du maïs pour l'éthanol.
Une des principales raisons pour le manque de progrès obtenu (ou on pourrait même dire la régression) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est l'accaparement des entreprises du processus de négociation sur le climat mondial. De nombreuses initiatives lancées ou promues au sommet de New York sur le climat qui s'est déroulé en septembre pourraient éventuellement être considérées comme « intelligentes sur le plan climatique » au sens le moins large car elles permettent de réduire des émissions de CO2 dans un secteur. Toutefois, certaines d'entre elles constituent probablement de fausses solutions qui non seulement aggraveront le changement climatique mais qui également porteront une sérieuse atteinte aux droits de l’Homme, dépasseront les frontières planétaires et engendreront des conflits sociaux et écologiques. L'« Alliance Globale sur une Agriculture Intelligente sur le Climat » est un exemple typique. Le ré-étiquetage de l'agriculture à l'échelle industrielle avec d'importants apports (y compris les combustibles fossiles dérivés des engrais) dans les monocultures d'OGM (une des principales raisons derrière la crise climatique) est considérée comme une solution « intelligente sur le plan climatique ». Ceci un exemple radical de l'écoblanchiment des entreprises qui se sont infiltrés dans les négociations de New York à Lima et au-delà. Cela éclipse les réalisations à faible apport, à bas prix, les solutions à basse intensité qui sont plus près des communautés et de la nature et qui pourrait fournir de véritables alternatives pour les peuples et la planète qui ont été également présentés à Lima, souvent à l'écart et sans aucun doute éclipsé par les Relations Publiques et le pouvoir financier et politique des entreprises.
Une approche utilisant simplement des « indicateurs des émissions de CO2 » pour résoudre la crise climatique ne fournira jamais de solutions qui fonctionnent pour les vrai gens. Toute, cela sert les intérêts des vieilles industries. L'échec du système européen d'échange de quotas d'émission et le Mécanisme du développement propre n'ont pas empêché les gouvernements de vouloir créer un nébuleux « Nouveau Mécanisme de Marché » dans l'accord de Paris. Les tarifs de rachat qui ont fonctionné dans de nombreux pays et régions à travers le monde et ont créé les sociétés de propriété avec de nombreux petites producteurs d'énergie propre sont sous les attaques virulentes du lobby des combustibles fossiles. Les Accords de libre-échange et les Traités bilatéraux d'investissement menacent toute législation environnementale sérieuse et permettent aux entreprises de poursuivre en justice des gouvernements par le biais du « règlement des différends entre les investisseurs et l'État ». Les dirigeants d'entreprise à Lima ont même eu l'audace d'exiger que leur voix ait plus d'impact sur les négociations et qu'elle puisse être entendue comme l'opinion de co-parties et non pas comme celle de simples observateurs des négociations sur le climat. Ceci, évidemment, aurait le mérite d'officialiser ce qui est dans de nombreux cas déjà un « fait accompli ».
Une des conséquences cyniques de cette appropriation par les entreprises des politiques internationales sur le climat est un fort recul du langage des droits de l’Homme (par exemple : l'égalité des sexes et les droits des femmes, les droits des peuples indigènes, les droits des travailleurs) dans les textes de Lima. Ainsi, Lima a servi pour fortifier le soutien pour les droits des entreprises en préambule à la conférence de Paris et au détriment des droits des hommes et de la planète.
Un tel constat ne devrait pas nous surprendre si l'on prend en compte le fait que le charbon, le pétrole, le gaz et le ciment produits par juste 90 entreprises (« Les principaux responsables des émissions de CO2 ») sont responsables de 65 % d'émissions globales depuis 1750. De plus, de nombreuses réserves de combustibles fossiles appartiennent à des entreprises d'état ou des entreprises gérées par l'état. Une fin de l'ère des combustibles fossiles signifierait la fin de ces entreprises et du pouvoir économique et politique de quelques individus très puissants. Ceci souligne le fait que la crise du changement climatique va bien au-delà de la réduction des émissions de CO2 et que celle-ci nécessite une restructuration de tout notre système économique ainsi qu'une redistribution du pouvoir. Cela démontre également de manière évidente qu'un processus de négociation qui regarde des objectifs de réductions des émissions indépendamment des structures de gouvernance internationales dans le cadre financier, commercial et politique (l'approche au court terme adoptée par Wall Street, la capacité d'appliquer des traités et d'accords relatifs au commerce international et aux investissements et le leadership économique du G7 et du G20 qui a prétendu que le changement climatique n'avait pas vraiment d'importance) et sans la reconnaissance et la protection explicites des droits de l’Homme est voué à l'échec.
La discussion qui s'est tenue à Lima à propos d'une décision de la COP sur l'égalité des sexes et le changement climatique illustre ceci. Les efforts pour élargir le mandat de la décision de Doha qui souhaitait une participation équilibrée entre les hommes et les femmes dans le cadre des négociations de la Convention et dans la représentation des Parties dans les organismes de la Convention pour instaurer l'égalité des sexe comme un principe essentiel se sont butés à la résistance féroce de l'Arabie Saoudite. Ces efforts n'ont également pas obtenu le soutien attendu de beaucoup d'autres pays, même si les parties avaient accepté des conventions internationales qui stipulaient que l'égalité des sexes et les droits des femmes étaient indissociables aux droits de l’Homme. Un programme de travail de Lima de deux années pour promouvoir d'égalité des sexes et obtenir une politique et stratégie climatique qui tiennent compte de cet équilibre homme-femme et qui avaient été consenties à Lima doivent être en dessous des attentes initiales en l'absence d'un engagement clair des Parties dans le cadre de la Convention aux droits de l’Homme. Dans d'autre éléments de négociation, y compris dans l'ADP, on a également omis d'inclure les références aux droits de l'homme, des femmes et des peuples indigènes de manière appropriée dans le texte de la décision prise à Lima et dans les éléments de texte qui forment la base des négociations de Paris. Seuls quelques pays souhaitent exprimer leur soutien et investir le capital politique nécessaire pour l'intégration de l'énoncé des droits de l’Homme.
Et après ?
Les négociations pour la Plateforme de Durban pour une action renforcée (ADP) se tiendront de nouveau à Genève en février, et puis au mois de juin à Bonn et probablement au moins une autre fois avant la conférence de Paris. Une mission exploratoire de la CCNUCC examinera l'offre du Maroc qui souhaite accueillir la COP 22 en 2016 (une proposition qui sera probablement acceptée).
Mais peu des personnes nourrissent encore quels espoirs que les conventions des Nations Unies tout comme la CCNUCC, la Convention sur la diversité biologique (CDB) ou la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD) pourront enrayer le réchauffement climatique, la perte de la biodiversité et l'épuisement des sols arables et de l'eau . Les Nations Unies sont composées de ses membres et des membres de divers clubs gouvernementaux multilatéraux (comme le G7, le G20 ou BRICS c'est-à-dire le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud). Tous partagent le même point de vue qu'ils ne sont pas prêt à imposer des limites aux prélèvements continus des ressources. Au contraire, dans leur quête d'une sécurité d'accès aux ressources, les membres ont même remis en cause les droits de l’Homme ainsi que les normes environnementales et sociales qui avaient été acceptées dans le système de l'ONU au niveau multilatéral
Alors que le multilatéralisme traverse une crise profonde, la pression pour que l'on fasse preuve de pragmatisme est forte afin que les négociations puissent aboutir à Paris, toutefois, avec les ambitions mises sur le côté et la règle du plus petit dénominateur commun appliqué, rien ne peut être garanti. Tristement même un accord aussi pragmatique est loin d'être garanti, car le cadre géopolitique et économique dans lequel se dérouleront les négociations devrait être de plus en plus compliqué : La crise ukrainienne (menaçant l'alimentation en gaz de l'Europe par la Russie), la fonte des glaces dans l'arctique (ouvrant un accès à de nouveaux gisements de combustibles fossiles), la crise et la récession économique actuelles qui frappent de nombreux pays dans le monde et la hausse des prix des matières premières agricoles sont juste quelques facteurs décisifs qui rappellent aux gouvernements que « l'on ne peut pas négocier l'incertitude » – l'issue des négociations qui se dérouleront à Paris demeure totalement ouverte.