Inauguration du Bureau de Rabat - Discours de Mme Barbara Unmüßig, Co-Présidente de la Heinrich Böll Stiftung (Berlin)

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Discours de Mme Barbara Unmüßig, co-présidente de la Heinrich Böll Stiftung, à l’occasion de l’inauguration à Rabat, Maroc, du nouveau bureau de la fondation le 11 mars 2015.

Excellence Mr l’ambassadeur Volkmar Wenzel,

Chère Dorothéa, chère équipe de la FHB Rabat,

Chers partenaires,

Mesdames Messieurs,

chers invités,

C’est avec joie que je vous souhaite  la bienvenue au bureau de la fondation Heinrich Böll que nous inaugurons  aujourd’hui à  Rabat.

Ce bureau est le 30ème de la fondation à l’étranger et le 5ème dans la région. C’est un souhait politique que de renforcer notre présence en Afrique du nord, dans notre voisinage direct sur la rive sud de la Méditerranée, ayant déjà eu le plaisir en 2013 d’ouvrir notre bureau à Tunis.

Pour certains d’entre vous, c’est peut-être le premier contact avec une fondation politique. Par conséquent, je me permets de vous adresser quelques mots sur la fondation qui a une sensibilité politique verte, en l’occurrence la fondation Heinrich Böll.

Notre fondation fait partie d’un système politique allemand qui donne le droit à tout parti politique, ayant été élu pour au moins 2 périodes parlementaires, de créer une fondation politique. Le mandat principal de la fondation Heinrich Böll est le travail de l’éducation politique aussi bien au niveau national qu’international afin de promouvoir la prise de conscience démocratique, la volonté politique et l’engagement politique sociétal. Pour ce faire, le dialogue et l’échange en sont les piliers fondamentaux.

En tant que fondation politique, nous sommes proches du Parti des Verts, cependant nous sommes légalement indépendants et c’est ce qui relève d’une grande importance. Les fondations politiques allemandes sont financées par des fonds publics mais elles sont libres de choisir leur propre conception dans leur travail de la prise de conscience politique. Nous prenons nos décisions de façon tout à fait autonome ; Dans quel pays nous voulons travailler et surtout avec qui. Nous sommes des invités chez vous et recherchons des partenaires alliés avec lesquels nous pouvons partager nos inspirations politiques et nos valeurs. Ensuite, nous réfléchissons ensemble dans quelle thématique particulière nous voulons conjointement nous engager. Nous sommes ancrés dans la société civile – et ceci est valable particulièrement pour la fondation Heinrich Böll –. Nous nous comprenons comme  des constructeurs de ponts entre la société, la science et la politique.

Les activités de la fondation ont commencé vers la fin des années 80 avec la politique du mouvement des Verts qui prenait de l’ampleur et avec le Parti des Verts en Allemagne. Notre souci principal est la politique environnementale qui protège les fondements naturels de la vie. La lutte contre l’utilisation de l’énergie nucléaire a donné aux Verts une grande impulsion politique. Le 2ème axe central de la thématique, ce sont les Droits de l’Homme, la démocratie et la politique de la paix. La réalisation des Droits de l’Homme universels, notamment les droits de la femme ainsi que l’équité écologique et sociale sont les piliers normatifs fondamentaux du parti duquel nous sommes proches et que nous représentons dans notre programme en tant que fondation.

Heinrich Böll à qui a été décerné le prix Nobel en 1972 est notre prête-nom.

Il n’était pas seulement l’un des plus importants écrivains allemands de l’après-guerre, il incarnait surtout un engagement citoyen ; Ainsi il était, dans les années 80, très actif dans le mouvement allemand pour la paix et s’est exprimé au sujet de nombreuses questions d’ordre politique et social en relation avec la République fédérale d’après-guerre. Dans les temps de controverses âpres comme celles inhérentes au terrorisme allemand lequel a ébranlé l’Allemagne dans les années 70 et 80 ; Il s’est engagé pour la valeur fondamentale de la liberté de la pensée, ce qui lui a valu d’être violemment pris à partie. « S’immiscer est la seule possibilité de rester réaliste », une phrase qui tient son origine de Heinrich Böll.

C’est une devise qui caractérise parfaitement notre travail en tant que fondation.

Le rapport de la fondation avec le parti Bündnis90/Die GRÜNEN est imprégné par la proximité d’une part et l’indépendance d’autre part. Démocratie, Participation Politique, Droit de l’Homme, Écologie et Durabilité, telles sont les valeurs que nous avons en commun. Nous nous comprenons comme une agence pour les idées et les projets Verts, comme un atelier politique réformateur pour l’avenir et en tant que réseau international avec 30 représentations sur tous les continents.

Le siège de la fondation se trouve à Berlin et emploie plus de 200 collaboratrices et collaborateurs. Nous prenons l’égalité des sexes très au sérieux et nous avons même plus de collaboratrices que de collaborateurs et ce, à tous les niveaux des hiérarchies. Même la présidence du directoire est assurée conjointement par un homme et une femme.

Certains d’entre ici savent que nous étions actifs déjà à la fin des années 90, justement sur ces thèmes de l’égalité et la justice des sexes au Maroc. Nous avions soutenu à l’époque l’Association de Solidarité Féminine (ASF) et je me réjouis beaucoup que sa directrice, Mme Aicha E’Chenna hier, soit aujourd’hui parmi nous à cette inauguration officielle. Bienvenue. Nous continuons aujourd’hui notre partenariat et nous soutenons l’ASF dans la sensibilisation de la société marocaine pour les droits des mères célibataires que nous réconfortons.

Nous allons continuer notre travail inhérent aux Droits de la Femme et à la justice des sexes au Maroc et ce, d’une façon durable. Il y a ici tellement de femmes et d’organisations féminines merveilleuses avec lesquelles nous allons travailler ensemble contre la discrimination des femmes et la violence contre les femmes. Sans la participation équitable des femmes à la vie politique et sociale la démocratie ne sera pas tout à fait réalisée. Les Droits de l’Homme sont les Droits de la Femme, ceci est l’un des principes fondamentaux de la fondation Heinrich Böll.

Le Maroc se trouve dans une phase décisive de la démocratisation. Cette base a été ancrée dans la nouvelle Constitution, laquelle a constitué en 2011 la réponse aux attentes et aux espoirs de la population. La Constitution contient des dispositions importantes concernant les Droits de l’Homme. Aujourd’hui le Maroc connaît la lutte pour l’application de cette Constitution, présentant ainsi un défi colossal pour lequel les marocaines et les marocains et une société civile vivante s’engagent sans répit. La manière avec laquelle la Constitution appelant à pour plus de participation, de transparence et de réédition de comptes des institutions et des organes exécutifs est appliquée relève surtout de leur engagement pour leur pays. Où et comment nous pouvons les soutenir avec insistance, c’est la raison pour laquelle nous sommes volontiers votre interlocutrice.

Ce qui prime le plus dans notre travail sur place – je le disais déjà – sont nos partenaires. Nous soutenons des personnes qui s’engagent pour la participation sociale de tous les individus, la justice écologique et sociale ainsi que l’autodétermination. Nous aimerions promouvoir la compréhension de la démocratie. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement si tous les groupes et les minorités sociaux pouvaient être intégrés dans le système politique ?

Nous avons commencé à coopérer au Maroc à différents niveaux avec les organisations de la société civile, par exemple avec « Transparency Maroc » afin d’accompagner les processus légaux, ou avec « Racines », une organisation engagée dans la démocratisation et avec une société à capital variable pour la sensibilisation de la population. La fondation soutient également les acteurs issus de la science, travaillant dans les thématiques socio-politiques, par exemple la décentralisation, jeunesse et violence ou la xénophobie et partage ce savoir avec les décideurs.

Nous en sommes conscients : Les processus démocratiques de la réforme nécessitent du temps : les lois doivent être appliquées, les institutions édifiées et la corruption combattue. Nous voulons aider les sociétés dans leur chemin difficile en direction de la démocratie – dans le monde arabe mais aussi ailleurs. À chaque fois que nous rencontrons des partenaires courageux, nous essayons d’élargir les champs de manœuvre pour la participation politique et sociale et pour l’émancipation.

Ainsi, en tant que « Fondation Verte », nous nous engageons tout particulièrement pour le maintien de l’environnement. Tous les pays sont déjà concernés par les changements climatiques. Nous, dans le nord, nous en portons la responsabilité. Par conséquent, nous devons les premiers et à titre exemplaire réduire drastiquement les émissions de CO2. Le revirement énergétique allemand, c’est-à-dire l’abandon de l’économie énergétique nucléaire, notamment l’énergie fossile, a pour vocation d’y contribuer, même si ce n’est pas encore complètement gagné. Mais le tournant énergétique tente de montrer une voie comment on peut créer des emplois à l’aide du vent et du soleil (plus de 300 000 emplois) et en même temps protéger le climat. Chaque pays de ce monde porte cependant sa propre responsabilité pour que nous n’arrivions pas à avoir une Terre plus chaude de 3 à 4 degrés supplémentaires, ce qui aurait des répercussions désastreuses, justement aussi pour les changements climatiques, notamment pour les pays et les populations concernés.

Selon des estimations, les températures au Maroc augmenteront jusqu’en 2099 de 2 à 3 degrés, au sud et au sud-ouest jusqu’à 5 degrés. Comme le Maroc est un pays vivant prioritairement de l’agriculture, ceci engendrerait des conséquences socio-économiques graves. Les décideurs au Maroc prennent cette problématique très au sérieux ; ils représentent un acteur important dans les négociations climatiques internationales et se sont porté candidats pour abriter la COP 22 au Maroc. La fondation soutient volontiers ce processus aux côtés de la société civile. Les réponses pertinentes socio-politiques et écologiques concernant les changements climatiques représentent un signe distinctif de la fondation. Et, pour ce faire, tous nos bureaux de par le monde y travaillent et nous sommes arrivés à édifier un bon réseau de savoir et de personnes actives.

Ici au Maroc, notre bureau a déjà commencé à se consacrer aux thèmes comme les constructions et l’urbanisation écologiques. Comment pouvons-nous construire en économisant de l’énergie et en utilisant les énergies renouvelables pour l’approvisionnement en énergie des ménages? L’efficience énergétique est éminemment importante, elle aide les ménages à économiser beaucoup d’argent pour l’électricité, l’efficience a par conséquent non seulement une dimension écologique mais surtout une dimension sociale. Nous pensons que la question écologique doit aller de pair avec la thématique sociale. Ce n’est que de cette manière que la population peut être motivée et convaincue de cette idée écologique. Celle-ci doit avoir une utilité évidente.

Que la question du mixage énergétique équitable et plein d’avenir soit élémentaire pour le Maroc, la question de principe se pose au niveau du développement socio-économique, pouvant être écologiquement pertinente. Ce pays est riche en ressources. Se comporte-t-il soigneusement et durablement vis-à-vis de ses ressources ? Est-ce que les richesses des ressources parviennent à la majorité de la population ? La fondation Heinrich Böll s’engage mondialement pour plus de justice liée aux ressources : il n’y va ni plus ni moins que de la question comment les richesses des ressources ne deviennent pas la malédiction des ressources mais plutôt avec quels moyens démocratiques l’exploitation des ressources est organisée et qui profite vraiment des richesses des ressources. À qui appartiennent ces richesses ? C’est une question socio-politique fondamentale. Avec les décideurs du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), ainsi que les représentants de la société civile, nous avons commencé à avoir un dialogue portant sur ces questions.

Le Maroc se trouve devant une panoplie de défis politiques, sociaux et écologiques. Ce pays a tellement d’acteurs dynamiques et infiniment engagés, lesquels veulent endosser la responsabilité pour un bel avenir. Le Maroc a une riche culture et une société civile vivante et bien organisée, interpelant les problèmes et élaborant les propositions de réformes constructives.

Ceci nous a poussés à commencer ici notre travail.

Le Maroc, son système politique et ses défis ne sont pas encore bien connus de la population allemande. Le Maroc, c’est de là que viennent vers nous en Europe, en Allemagne les réfugiés d’Afrique. Nous avons décidé d’informer en Allemagne sur les raisons des exodes et d’améliorer les conditions de vie et les Droits de l’Homme des émigrés dans notre pays. Ici au Maroc nous pouvons nous imaginer de coopérer avec les organisations qui veulent voir se concrétiser les Droits de l’Homme des émigrés. À ce niveau, nous coopérons par exemple avec la NRO ASTICUDE qui s’engage dans la province orientale pour un échange culturel entre les marocain(e)s et les émigré(e)s afin de surmonter les préjugés et l’ignorance, ainsi que le GADEM qui s’engage pour l’obtention des Droits des Émigrés.

Au Maroc, peu de choses sur la culture allemande et notre système politique sont connues. Nous voulons promouvoir résolument le dialogue et l’échange entre les 2 sociétés. Ainsi, nous pouvons nous comprendre l’un l’autre et élargir mutuellement les perspectives. Nous voulons apprendre l’un de l’autre. Nous devons essayer ensemble d’y arriver. Pour moi personnellement, c’est un grand plaisir de saisir l’occasion de visiter ce beau pays (je suis parvenue malgré tous mes engagements à visiter la ville de Casablanca).