Atelier sur la gouvernance équitable des ressources naturelles

La Fondation Heinrich Böll Rabat et le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), ont organisé conjointement un atelier portant sur la ‘Gouvernance équitable des ressources naturelles’, à Rabat, le 9 mars 2015.  

Thématique centrale et actuelle, la gouvernance équitable des ressources naturelles préoccupe autant le Maroc que les pays plus industrialisé comme l’Allemagne.

L’atelier de travail a eu pour objectif de discuter des approches pratiques à la gouvernance équitable des ressources naturelles et des outils pour leur mise en œuvre.

Le président du CESE, M. Nizar Baraka, a ouvert l’atelier en remerciant la fondation et les scientifiques invités de leur soutien aux réflexions du conseil. Tout en rappelant l’utilité des réflexions sur la gouvernance durable des ressources naturelles et de l’environnement, il a souligné que cette thématique s’inscrivait parfaitement dans le cadre de l’étude sur la valeur globale du Maroc, en cours d’élaboration par le CESE en coopération avec le Haut Commissariat au Plan et d’autres institutions nationales et internationales, sur hautes instructions royales.

Mme Barbara Unmüssig, présidente de la fondation Heinrich Böll, a ouvert la séance en félicitant le Conseil de sa décision de se consacrer à une approche durable du développement du Maroc. Elle a rappelé que les gouvernements et les sociétés civiles s’interrogent depuis les années 1980 sur les meilleures modalités d’une gouvernance durable et a insisté sur le fait que même dans les pays industrialisés il y avait encore beaucoup de progrès à faire dans ce sens, notamment concernant une approche intersectorielle.

Le premier exposé a été présenté par Mme Houdret qui a introduit une définition pour une gouvernance et un accès équitables aux ressources naturelles. Elle a présenté l’utilité de la participation des citoyens dans la gestion des ressources et a donné deux exemples. Les deux concernaient la participation des citoyens dans les entreprises municipales pour la gestion de l'eau en Europe. Les exemples ont révélé qu’après l’échec du secteur privé dans la gestion de l’eau potable la vague de remunicipalisation fut, dans plusieurs pays, une occasion de démocratiser cette gestion à travers la participation des usagers. La participation a ainsi permis de mieux cibler les investissements, de mieux informer les gestionnaires et de légitimer leurs décisions. Une approche participative réussie devait alors répondre aux défis environnementaux, techniques et de management, mais ne pouvait réussir que si elle correspondait aux particularités sociales, économiques et culturelles du contexte donné.

La deuxième partie de l’exposé de Mme Houdret fut consacrée aux « directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale ». Ces directives ont été élaborées et négociées au niveau international dans un processus piloté par la FAO afin d’apporter une sécurité foncière et un accès équitable aux ressources mentionnées. Elles sont le premier instrument international de gouvernance foncière. Après un aperçu sur le contenu des directives, la présentation a esquissé les forces et les faiblesses de cette règlementation. Dans plusieurs pays, ces nouvelles normes ont déjà influencé la reformulation des politiques foncières. Au Maroc, un atelier de travail initial a été conduit en 2013 par la FAO à ce propos. Cependant, les problèmes de la mise en œuvre sont multiples de par le monde ; les conflits d’intérêt avec d’autres secteurs ou avec les politiques commerciales, l’intégration insuffisante des populations les plus vulnérables dans l’application ou encore le manque de suivi sont autant de difficultés à surmonter.

La discussion de ce premier exposé a d’abord porté sur les difficultés de la mise en place d’une participation réelle et effective des citoyens. Un participant remarqua que ces approches restent en réalité souvent en deçà de leurs propres exigences. Par ailleurs, alors que la participation citoyenne serait souvent mise en place avant le début d’un nouveau projet, cette démarche ne serait plus appliquée par la suite durant la réalisation d’un projet ou après sa mise en œuvre. Concernant la situation au Maroc, il remarqua qu’une grande difficulté dans la réalisation de telles approches réside dans le manque d’institutions véritablement indépendantes.

Le public a également abordé le rôle potentiel du secteur financier dans la mise en œuvre des directives volontaires pour la gouvernance foncière. Les banques pourraient, par exemple, orienter leurs produits et leurs investissements de façon à respecter les directives, telles que certaines le font déjà pour respecter certaines valeurs religieuses, par exemple les banques islamiques. Par ailleurs, le public a discuté du rôle des intermédiaires pour la mise en œuvre des directives et fut d’accord pour capitaliser sur les institutions existantes. Ainsi, des institutions comme le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts ou encore le Ministère de l’agriculture pourraient jouer un rôle important, à condition que tous les citoyens concernés soient intégrés et que ces institutions parviennent à agir dans l’intérêt commun. La discussion a ensuite porté sur les contradictions flagrantes entre les politiques affichées, au Nord comme au Sud, et leur mise en place réelle. Le manque de volonté politique à mettre en œuvre de vraies approches intersectorielles dans l’intérêt du développement durable a été constaté comme un problème majeur à la fois dans les pays industrialisés et ceux en développement.

Le deuxième exposé, présenté par M. Klaus Jacob, a porté sur les politiques des ressources et leur mise en œuvre. M. Jacob a d’abord présenté la stratégie allemande pour l’efficacité des ressources « ProgRess ». Il a insisté sur le fait que la mise en place de cette stratégie a autant été le résultat de la stratégie nationale pour le développement durable et de politiques européennes que de la nécessité économique face à l’augmentation des prix des matières premières. L’objectif principal de cette stratégie était de doubler de la productivité dans l’utilisation des matières premières. Les difficultés majeures dans la mise en place de cette approche sont la domination d’outils d’incitation et de subventions et un manque d’outils économiques ainsi que le manque de cohérence politique, notamment concernant les approches intersectorielles.

La seconde partie de cet exposé a porté sur l’étude d’impact et l’évaluation comme outils pour la mise en œuvre de stratégies. L’étude d’impact a été qualifiée comme une institutionnalisation des réquisitions pour la collecte de données sur les effets prévus de politiques envisagées. M. Jacob a cité l’exemple d’une étude menée par lui-même au sujet d’une suppression des avantages fiscaux actuellement accordés aux personnes faisant la navette entre leur domicile et leur lieu de travail. Le résultat de cette simulation se résuma dans quatre scénarios politiques, avec un impact économique très différent.

La dernière partie de l’exposé a présenté le sujet des « emplois verts » et a discuté si ces emplois sont réellement le résultat de politiques des ressources. M Jacob a insisté sur le fait que plusieurs définitions de ce type d’emplois existent et a montré qu’un grand potentiel de création d’emplois réside dans les marchés pour des technologies plus écologiques. Cependant, certains modèles calculant l’impact des mesures écologiques sur le marché de l’emploi incluraient les emplois déjà existants auparavant dans leur donnés.

La discussion du second exposé a d’abord porté sur la difficulté de gérer les effets pervers de la montée des prix des matières premières (à travers l’évolution des marchés ou à cause d’une taxation) quand cette augmentation mène à une plus ample exploitation des ressources, comme actuellement dans le cas du gaz de schiste. Concernant l’apport des politiques écologiques pour les économies et l’emploi, le public a insisté sur l’importance de maîtriser les technologies vertes pour la gouvernance des ressources naturelles mais également pour la compétitivité nationale. Par ailleurs, la mise en place d’instruments fiscaux pour la redistribution a suscité un grand intérêt. Finalement, le public a constaté que la transition vers une économie durable permettait une accumulation positive en faveur d’une meilleure compétitivité du pays concerné.

Cet atelier fut l’occasion de manifester, entre autres :

  • L’intérêt pour des projets pilotes pour la mise en œuvre des directives volontaires pour la gouvernance foncière, et ce afin de tester si des institutions choisies sont aptes à gérer cette tâche ;
  • Un grand intérêt pour les outils de la politique écologique allemande et le souhait d’analyser les conditions d’une mise en œuvre au Maroc, y compris leur ancrage institutionnel et leurs effets distributifs ;
  • Un grand souci pour la cohésion sociale, potentiellement mise en danger par des effets économiques négatifs de politiques environnementales sur des populations vulnérables ;

Une réelle mise en œuvre d’approches participatives qui inclurait, surtout, des analyses ex-post et non seulement ex-ante de projets ou de politiques.