En Finir avec la Pollution Plastique Mondiale
Les plastiques ont permis de développer notre économie parce qu’il s’agit d’un matériau polyvalent, durable et peu coûteux. On les utilise pour produire des emballages alimentaires, des sacs de course, des produits de consommation du quotidien : des jouets, des vêtements, des appareils électroniques, mais aussi des pièces automobiles, du matériel médical, et mille choses encore. Les plastiques sont devenus un matériau essentiel à toutes les économies. Difficile d’imaginer aujourd’hui un monde sans eux. Le problème est que leur utilisation de masse a engendré un gigantesque problème mondial avec des répercussions environnementales, économiques, sociales et sanitaires qu’il faut aborder de façon beaucoup plus déterminée.
Beaucoup trop de déchets plastiques qui ne sont pas collectés sur la terre finissent leur vie dans les océans. Là, ils se décomposent en fragments de plus en plus infimes, et se transforment en particules microplastiques susceptibles de se retrouver dans les moindres étendues d’eau de la planète, y compris les lacs de montagne, les rivières, la glace polaire et les sédiments des grands fonds marins. Ces particules sont ingérées par les animaux marins et entrent de ce fait dans la chaîne alimentaire. C’est donc sans surprise que le cycle du sac poubelle en plastique se finit dans notre assiette.
Les politiques internationales en place pour faire face à la pollution plastique sont insuffisantes pour remédier au problème. Ni les dispositions légales interdisant le déversement des déchets plastiques en mer, ni les plans d’action volontaire, ni les partenariats multipartites travaillant à la gestion des déchets sur terre ou en mer ne répondent adéquatement à la façon de réduire la quantité de déchets plastiques qui atteignent le milieu marin.
Sans mener d’efforts de grande ampleur pour cibler les déchets plastiques à ses sources d’origine terrestre, le problème ne fera qu’empirer. La production plastique devrait croître de façon massive dans les prochaines décennies. La seule solution viable au problème consiste donc à empêcher en premier lieu les déchets plastiques de finir dans les océans. Surtout lorsque l’on considère que plus de 80 % des débris marins en plastique proviennent de sources d’origine terrestre, c’est donc à ces sources de pollution auxquelles nous devons nous attaquer avec le plus de fermeté.
Ce que Nils Simon et Maro Luisa Schulte proposent dans le présent document est une audacieuse avancée : Négocier une convention mondiale sur la pollution d’origine plastique, favoriser l’innovation pour des plastiques plus durables et soutenir les pays dans l’amélioration de leurs systèmes de collecte et de recyclage des déchets ménagers. C’est la prochaine étape prioritaire, plutôt que de se concentrer sur la tâche perdue d’avance de nettoyer les océans entiers alors que des millions de tonnes de déchets plastiques continuent à s’y déverser. Une convention sur les plastiques n’est pas censée remplacer les autres initiatives en place, mais plutôt les compléter : Pour mettre place un cadre juridiquement contraignant qui viendrait chapeauter les nombreuses stratégies, les plans d’action et les partenariats qui existent à l’heure actuelle.
La forme d’un éventuel traité devra refléter à la fois les grandes ambitions et la faisabilité politiques. À première vue, une structure descendante plus traditionnelle semble le choix le plus prometteur pour assurer un renforcement du respect des règles et leur application, plutôt qu’une approche ascendante plus flexible, susceptible d’offrir d’importantes failles aux parties non conformes. Cependant, les expériences sur d’autres accords environnementaux multilatéraux nous ont permis d’apprendre que ce n’est pas nécessairement le cas. Il sera intéressant et important de favoriser le sentiment d’appropriation et de mobiliser l’ensemble des parties prenantes dans la tentative d’établir une autre convention. Comme avec l’accord de Paris, dont l’efficacité reste encore à mettre à l’épreuve, la convention modèle suggérée ici s’appuie davantage sur des mécanismes flexibles dans le cadre de l’objectif d’assurer l’accord et la conformité des parties.
La communauté internationale doit intensifier ses efforts et agir de manière beaucoup plus décisive sur les enjeux de la pollution plastique mondiale. L’industrie des plastiques réalise des revenus annuels de 750 milliards de dollars américains. Pourquoi ne pas prendre une petite part de cette somme pour tenter de remédier au chaos que nous avons nous-mêmes créé. Lorsque l’on fabrique ou l’on vend un produit, il faut être responsable de son cycle de vie. Quand le processus est conçu de telle sorte qu’il faut des siècles pour que le plastique se dissolve, c’est la preuve que le concept est défectueux à la base. Le plastique qui flotte en ce moment même dans l’océan et les millions de tonnes qui le rejoindront ces prochaines années se retrouveront à tourner sans fin dans de gigantesques gyres. L’heure est venue de lancer des négociations sur une convention sur les plastiques et de mettre un terme à cette irresponsabilité catastrophique.