Transformation écologique et sociale en Tunisie 2
Les problèmes écologiques représentent un défi important pour la situation environnementale et sociale en Tunisie, bien que la Tunisie soit moins concernée que les autres pays de la région MENA et de la région voisine du Sahel par les défis écologiques induits par le climat. On estime cependant que la pénurie d’eau deviendra un problème majeur à partir de 2025. Les premières coupures des services d’eau ont déjà eu lieu en 2013 en raison de pénuries.
Le changement climatique et l’urbanisation croissante intensifient le problème posé par l’eau : la consommation croissante d’eau par la population urbaine s’accompagne d’une demande croissante en eau de la part des secteurs industriels et agricoles. Parallèlement au processus d’urbanisation, les développements démographique et économique, de même que la demande en énergie connaissent également une augmentation significative. La désertification touche en particulier les régions les plus pauvres du sud de la Tunisie, et les changements saisonniers les plus importants concernent toutes les régions en termes d’évolution et de précipitations imprévisibles, de perturbations météorologiques et d’intempéries graves. La biodiversité est menacée par les déchets chimiques, notamment dans la région du golfe de Gabès, ainsi par les pollutions agricole et industrielle. Les principaux problèmes sociaux demeurent le chômage, l’exclusion sociale, les déséquilibres régionaux ainsi que la corruption.
La Tunisie a ratifié en 1993 la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ainsi que le protocole de Kyoto en 2002. La participation à la COP22 au Maroc en novembre 2016 et à la ratification des Accords de Paris en octobre 2016 illustrent la volonté politique du gouvernement tunisien actuel de définir des mesures de développement durable et de lutter contre le changement climatique dans le cadre de son programme politique.
Le plan de développement tunisien (2016-2020) comprend des objectifs d’économie verte et de développement durable (tels qu’une réduction de la consommation d’énergie de 30 % d’ici 2030, la réduction des gaz à effet de serre et la protection de l’environnement). Néanmoins des mesures concrètes restent à définir et mettre en oeuvre.
La sensibilisation au changement climatique et aux défis environnementaux a augmenté en Tunisie au cours de la dernière décennie et cette sensibilisation est désormais plus présente dans les médias et le débat public. Mais, de manière générale, les politiques continuent d’être conçues et mises en oeuvre selon une approche descendante. La participation des citoyens et des ONG dans le processus de prise de décision reste limitée, ce qui permet d’expliquer, entre autres, les faibles progrès accomplis en matière de décentralisation. Si un débat politique et sociétal sur un nouveau modèle de développement a bien été lancé, les décisions importantes restent encore à prendre. Les propositions concernant un développement durable et écologique à moyen ou long terme, formulées par les différents partis politiques, demeurent souvent floues. Il existe de plus petits projets écologiques en développement depuis une dizaine d’années, et encore plus intensément depuis 2011, par exemple dans le domaine du tourisme écologique (éco-exploitations, itinéraires de randonnées écologiques) ou dans la production de produits agricoles biologiques. Mais ces types de projets sont petits, assez peu fréquents et ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une initiative ou d’une stratégie gouvernementale coordonnée plus globale. Des efforts ont été faits, en partie avec le soutien de la communauté internationale, pour améliorer l’infrastructure de distribution d’eau, réaliser des économies et mieux gérer la précieuse ressource. La Tunisie dispose par ailleurs d’ambitieux programme d’énergies renouvelables, incluant l’extension de la production et de la consommation d’énergies éolienne et solaire. Mais ces décisions sont généralement prises sans une implication majeure de la population locale ou des acteurs de la société civile.
Les définitions et la compréhension des Objectifs de développement durable (ODD) et du Traité sur le climat (qui représentent actuellement les processus les plus importants en matière de transformation socioécologique) définis par le discours gouvernemental officiel et les organisations internationales (voir WBGU 2016) diffèrent en partie des définitions, de la compréhension et des perceptions des acteurs de la société civile. Mais en général et de l’avis des organisations de la société civile tunisienne, leur compréhension de la « transformation écologique et sociale » se rapproche plus de la vision de la communauté internationale que de celle des ministères nationaux et des décideurs politiques. En termes de valeurs, de normes et de récits, la transition vers un régime énergétique à faible émission de carbone est un objectif majeur, tout en s’inscrivant dans une vision et une approche plus globales et plus systémiques de l’écologie sociale. La valorisation des ressources naturelles, l’égalité de l’accès à l’eau et aux terres et l’ancrage constitutionnel des ressources naturelles en tant que patrimoine commun sont au premier plan.
Des instruments politiques concrets pour la mise en oeuvre du Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030 en Tunisie sont encore en cours d’élaboration, et comprennent notamment un examen des méthodes de collecte de données, une amélioration du processus de suivi et d’examen. Adoptés en septembre 2015, les 17 ODD et l’Agenda 2030 sont entrés en vigueur le 1er janvier 2016 et devraient être mis en oeuvre par tous les pays jusqu’en 2030 pour mettre fin à toutes les formes de pauvreté, pour lutter contre les inégalités et également pour s’attaquer au changement climatique. Ces processus internationaux sont utiles dans le sens où la conscience et les connaissances écologiques en Tunisie prennent plus d’ampleur, et dans le sens où les autorités tunisiennes sont mises au défi de faire progresser la mise en oeuvre de l’Agenda 2030, et enfin, dans la mesure où la société civile et les initiatives locales reçoivent une plus grande solidarité et reconnaissance internationales.