Femmes oasiennes et changement climatique au Maroc
Les oasis marocaines, qui couvrent 15% de la superficie du Maroc et qui abritent 1,7 million d’habitants (5,3% de la population du Royaume), ont connu durant les deux dernières décennies une phase de dégradation avancée avec une baisse généralisée du niveau des nappes d’une moyenne de -15 à -20 m, une chute de 34% de la production dattière de même que la densité de la population rapportée à la surface agricole utile a dépassé 700 habitants/km2. Mais le plus remarquable est certainement l’évolution de cette population qui a augmenté de moitié en vingt ans, et ce, sur une base économique qui a plutôt tendance à se dégrader. La région ne vit pas de sa base économique propre, mais des revenus de transferts issus de l’émigration, qui représentent environ 60% des revenus monétaires.
Ainsi, les oasis ont toujours été des écosystèmes fragiles, survivant grâce à un savoir-faire et une gestion minutieuse, raisonnée et durable, des espaces et des ressources. Les diagnostics environnementaux réalisés dans le cadre des Plans Communaux de Développement (PCD)1 des zones oasiennes, ont permis de dégager un certain nombre de facteurs à l’origine de la dégradation des milieux oasiens. Parmi ceux-ci, des facteurs climatiques liés aux sécheresses récurrentes et à la raréfaction des ressources hydriques. Les facteurs socio-anthropologiques sont en relation avec la perte du pouvoir des anciennes institutions villageoises, le délaissement des jeunes et l’affaiblissement des liens sociaux. Il y a aussi le désir de valorisation des modèles d’ailleurs (urbain, européen, international), qui ne peuvent en aucun cas s’accommoder dans le contexte des oasis. Les facteurs politiques sont liés à l’éclatement de l’habitat traditionnel en pisée -généralement regroupé en un type de village fortifié « Ksar »-, le développement de constructions en dur éparpillées dans la palmeraie, la faiblesse des ressources financières et le manque de volonté des acteurs politiques.
Le manque d’entretien de la palmeraie, l’absence de sensibilisation et la déchéance des repères culturels et des savoir-faire, sont à l’origine de la dérive des écosystèmes oasiens. Nous pouvons également évoquer l’approche centraliste des politiques publiques malgré le processus de régionalisation avancée. Les atteintes à l’équilibre écologique des oasis sont nombreuses. La dégradation du couvert végétal suite aux défrichements et au surpâturage est constatée au niveau de plusieurs sites. Celle-ci accentue les processus d’érosion, d’ensablement et de désertification. Les ressources en eau, à la base de l’écosystème oasien, sont également menacées, suite à la baisse de la nappe phréatique et au tarissement de certaines sources, au creusement de puits et à l’excès de pompage et aussi à la pollution anthropologique et à la salinisation.
Les sécheresses répétées depuis une trentaine d’années ajoutent à la vulnérabilité de l’écosystème et hypothèquent les terrains de cultures non irriguée dépendant de la pluviométrie « bour », le couvert végétal et l’alimentation de la nappe. Les héritages culturels et les pratiques de gestion des terres et des ressources, qui organisaient les droits hydrauliques et sylvo-agro-pastoraux de l’oasis, eux aussi sont en déperdition face aux changements socio-économiques. Egalement, l’ancien habitat villageois avec son architecture locale adaptée au climat saharien est en pleine mutation, les maisons en dur envahissent de plus en plus le paysage naturel en vert/ocre des oasis.
Dans ce contexte, les Femmes et les Hommes contribuent différemment aux causes du changement climatique. Ils réagissent différemment à ses effets, et lorsqu’ils ont le choix, préconisent différentes solutions pour lutter contre ses conséquences. Ces différences proviennent des responsabilités qui endossent les femmes et les hommes dans la société, ainsi que de l’accès aux ressources et de leur influence politique.
Ainsi, envisager l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, dans les causes du changement climatique est vital pour révéler les relations de pouvoir sous-jacentes et analyser les implications des femmes dans les stratégies, programmes et solutions d’adaptation et d’atténuation au changement climatique dans les zones oasiennes.
Les clés de l’analyse et du changement dans le contexte oasien marocain sont notamment, la dimension genre dans le travail, la distribution/ l’accès à toute forme de ressource, ainsi que l’intégration du genre dans la planification, la prise de décision et les rapports sociaux.
Ce rapport a été élaboré suite à un atelier qui a eu lieu les 22 et 23 mars 2017 dans la ville de Tata sur le thème « La femme dans les Oasis et le changement climatique ». Cet atelier a permis de donner la voix à plus d’une trentaine de femmes oasiennes pour recueillir leur point de vue sur : les caractéristiques socioéconomiques des femmes oasiennes ; leur niveau d’’accès aux ressources (notamment l’accès à l’eau, à l’énergie, au foncier…) ; leur perception des enjeux et impacts liés au changement climatique dans les zones oasiennes ; leur savoir-faire et pratiques en matière d’adaptation et d’atténuation et enfin le rôle et les responsabilités économiques et politiques que pourraient jouer des femmes oasiennes dans la lutte contre le changement climatique.
Cette réflexion partagée a été approfondie par une recherche documentaire et une analyse de la consultante autour de :
• La vulnérabilité climatique dans les oasis au Maroc.
• L’approche genre et le changement climatique.
• Les femmes oasiennes face à la vulnérabilité climatique.
• Le rôle et les responsabilités des femmes oasiennes dans la lutte contre le changement climatique.
La parole des femmes oasiennes a été transcrite dans le présent rapport afin d’illustrer l’analyse scientifique.
Product details
Date of Publication
Octobre 2017
Publisher
Heinrich Böll Stiftung Afrique du Nord RABAT
Number of Pages
35
Licence
All rights reserved
Language of publication
French