La crise sanitaire mondiale que nous vivons actuellement, en provoquant un coup d’arrêt de la quasi-totalité des activités humaines, a révélé l’état de fragilité extrême de nos systèmes économiques, financiers, politiques et sociaux.
La crise sanitaire mondiale que nous vivons actuellement, en provoquant un coup d’arrêt de la quasi-totalité des activités humaines, a révélé l’état de fragilité extrême de nos systèmes économiques, financiers, politiques et sociaux. Elle a permis d’une part de mettre en lumière de manière évidente l’ampleur des déséquilibres nationaux et mondiaux (inégalités sociales et territoriales, relations Homme-Nature, économie réelle vs économie financière, …etc.) qui sont moralement inacceptables et politiquement intenables. D’autre part, cette crise a permis également de témoigner de l’insoutenabilité du modèle de mondialisation et de développement actuellement en vigueur et du degré d’interdépendances entre le fonctionnement des écosystèmes, les pratiques socio-culturelles et la santé des populations humaines, animales et végétales.
Le Maroc, qui a adopté un système économique ouvert, a certes réalisé des avancées remarquables dans différents domaines économiques et financiers réussissant ainsi à prendre le leadership à l'échelle africaine. Cependant, ces avancées ne peuvent plus masquer pour longtemps encore la gravité des crises socioculturelles et du choix libéral qui a soumis l’ensemble des secteurs de même que les populations les plus vulnérables à la loi du marché au dépend d’un système d’éducation et de santé accessibles et efficaces et d’un environnement sain et durable.
Sans oublier la crise écologique du productivisme qu’il devient impératif de traiter de manière systémique afin de tout reconstruire sur un socle solide basé sur notre capital naturel et nos valeurs citoyennes, et d’espérer une véritable relance écologique à la sortie de crise.
Mais heureusement que sans attendre la crise du COVID, le Chef de l’état par anticipation a reconnu les limites du modèle actuel qui a montré ses limites pour faire face aux besoins croissants des citoyens marocains et réduire les inégalités sociales et les disparités spatiales. Une mobilisation nationale a donc été décrété pour coordonner la conception participative d’un nouveau modèle de développement pour le Maroc et pour les Marocains et les Marocaines qui ont aujourd’hui besoin d’un développement équilibré et équitable, garant de la dignité de tous.
Le Maroc devrait ainsi saisir cette occasion unique pour transformer la crise en opportunité, profitant de ce moment de bascule de la conscience individuelle et commune et de la mobilisation qui a vu le jour, en capitalisant sur les ruptures déclenchées et les bons acquis. Ce nouveau modèle de développement devrait permettre de faire de 2020 l’année de la transformation du Maroc…
Et si nous devions à notre tour contribuer à imaginer ce nouveau modèle d’un Maroc résolument plus écologique et résilient ?
Permettez-moi alors de partager avec vous ma vision et de vous emmener dans les entrailles de mon imagination pour vous raconter ce Maroc et à quoi il ressemblerait dans dix ans.
Imaginons ensemble comment le nouveau modèle de développement pourrait changer notre pays, vers plus de durabilité, de résilience et de solidarité.
Dix ans après la crise, nous aboutirons à une vision globale claire autour d’un projet sociétal national et des projets territoriaux avec des stratégies coordonnées intégrées, avec un cap bien défini orientant toutes les politiques pour la mise en œuvre des principes de développement durable.
Dans une dizaine d’années, nous espérons aboutir à une transparence totale, profitant d’une utilisation forte des possibilités offertes par la digitalisation, qui mettra fin aux blocages des lobbys apparents et implicites qui, égoïstes et égocentriques, croyaient que leur essor et leur prospérité passaient uniquement par la concentration de richesses et de pouvoir, en surexploitant les ressources naturelles de tout un pays et de plusieurs générations et en rendant les tranches sociales démunies de plus en plus vulnérables… Les égoïstes ne pourraient plus user de leurs suprématie financière, intellectuelle ou historique, et ne pourraient désormais plus imposer leurs règles du jeu pour un marché qui n’est ni bien régulé ni orienté vers un modèle juste et équitable.
Le nouveau modèle mettrait ainsi en place plusieurs mécanismes pour ne laisser personne en marge et pour que les millions de jeunes dont dispose notre pays soient valorisés et considérés à leur juste valeur avec toute leur énergie, leur intelligence et leurs contributions.
Les citoyen(ne)s marocain(e)s vivant dans les différents territoires verraient au quotidien l’impact des réformes ayant été entamées, sur leurs niveaux de vie, de confiance, de bien être, de solidarité et de cohésion sociale, de bonne utilisation durable des ressources et sur les valeurs du vivre ensemble, en harmonie avec les autres espèces et les êtres vivants des différents écosystèmes.
Au niveau des villes, nous assisterions à une reprise verte POST-COVID – essentielle pour réduire les risques de pandémie futurs et pour lutter contre le changement climatique – nous conduisant à réinventer nos modèles et nos modes de vie pour les rendre plus résilients, inclusifs et durables.
Une partie des financements de sortie de crise serait orientée vers les espaces urbains qui deviendraient des terrains fertiles pour les idées d'innovation communautaire, les initiatives écoresponsables visant à réduire le stress thermique et hydrique des villes, la pollution, la surexploitation des ressources naturelles et la perte de la biodiversité; et à développer de nouvelles technique favorisant la mobilité douce et durable, l'agriculture urbaine, les bâtiments à zéro émission et les systèmes d'énergie renouvelable décentralisée.
Tous les décideurs, les citoyens et les citoyennes seraient en concurrence positive afin d’inscrire leur ville ou leur territoire parmi les villes les plus durables à l’échelle mondiale en répondant aux 6 principes suivants: le bien-être, la cohésion sociale, l’attractivité du territoire (écologique, économique et sociale), la préservation et l’amélioration de l’environnement, utilisation responsable des ressources et la résilience.
Des investissements intelligents pour accompagner la mutation donneraient un sens et une concrétisation aux droits constitutionnels (droit à la ville, droit de mobilité, droit à la santé et à un environnement sain). Les investissements seraient orientés en faveur d’un aménagement urbain plus durable et écoresponsable, pour le développement de nouveaux moyens de transport collectif (des métros empruntant les passages souterrains, de nouveaux tramway, …) et pour l’utilisation des véhicules électriques et de vélos de toute sorte. Tout ceci serait accéléré grâce aux décisions d’interdiction des voitures diésel aux centre des villes en 2025.
L’amélioration des modes de transports collectifs devenus plus attrayants, sécurisés et accessibles à tous, permettrait de renforcer la cohésion sociale et encouragerait l’ensemble de la population à se croiser et à sociabiliser.
Le budget transports des citoyens serait aussi revu à la baisse, d’une part, par la généralisation de l’e-administration : plus besoin de se déplacer pour demander ou récupérer ses documents administratifs, ces services administratifs en ligne à distance réduiraient ainsi le nombre de déplacements inutiles, avec de plus en plus de e-boutiques multiservices proches des citoyens.
La transition énergétique dont on ne cessait de parler depuis des années serait effectivement engagée, grâce à l’efficacité énergétique accélérée par la sensibilisation, les incitations fiscales, l’accompagnement territoire par territoire et secteur par secteur, mais aussi grâce à la libéralisation des énergies renouvelables basse tension.
La transition énergétique aura ainsi permis de développer une industrie locale, permettant aux milliers de jeunes formés dans les différents instituts, centres professionnelles et universités du pays de trouver du travail auprès des collectivités territoriales qui chercheraient à atteindre la neutralité carbone en 2050 avec la complicité des citoyens et des entreprises qui, mobilisés, se concurrenceraient pour avoir des territoires et des bâtiments à énergie positive capables de vendre l’énergie verte au réseau national qui l’exporterait à son tour au réseau européen.
L’aménagement du territoire, en mettant fin à l’extension horizontale des villes, permettrait de rapprocher les bassins de travail des bassins de résidence des citoyens, ce qui permettrait une réduction sensible des déplacements et encouragerait davantage les transports doux. Il contribuerait aussi à la réduction de l’utilisation excessive des énergies fossiles qui compromettent l’équilibre budgétaire du pays et aggrave sa dépendance extérieure.
Les actions réparatrices et correctrices des anciens choix d’urbanisme et des dérogations qui avaient pris certains citoyens en otage au milieu du ciment et de la pollution, seraient faites grâce à une densification raisonnée, encouragée par la loi et par des PPP gagnant- gagnant, pour raser des parties de quartiers mal construites à moins de deux étages , afin de construire en hauteur des immeubles avec plus d’espaces de vie et de commerces nouvelle génération, et libérer de l’espace pour garantir le droit de chaque 1000 habitants à avoir 2 Ha d’espaces verts à seulement 300 m de chez lui, ce qui permettrait aussi d’avoir à proximité des espaces de commerces et de loisirs.
Ces transformations permettraient d’avoir des cafés, des commerces, des restaurants et des espaces verts à proximité de toutes et tous, et donneraient place aux petits commerçants, faisant ainsi disparaitre la crise des vendeurs ambulants, qui est la conséquence d’aménagements incorrects et inadéquats.
Les réformes permettraient ainsi de régler en partie les faux choix d’aménagement et de comportements y afférents.
La crise du Coronavirus, en éveillant les consciences quant à la nécessité d’un recentrage des politiques publiques autour d’une meilleure qualité de l’environnement, aura provoqué un regain d’intérêt pour la souveraineté nationale, la sécurité hydrique, alimentaire et sanitaire et pour les circuits courts et leur labellisation… Ces critères devraient devenir stratégiques pour l’état, qui conduirait une revalorisation forte de l’agriculture et des agriculteurs.
La nouvelle politique agricole renforcerait l’application des principes de durabilité, pour faire face aux défis des changements climatiques et de la sècheresse, devenus de plus en plus structurels. Des décisions fortes devraient être prises pour l’économie de l’eau et devraient être généralisées.
Mieux encore un programme de réutilisation des eaux usées traitées, de renouvellement du savoir ancestral du pays dans le stockage des eaux de pluies , avec des conceptions innovantes s’inspirant des anciennes techniques des metfyas et des khettaras, serait entamé avec beaucoup de sérieux et avec des moyens conséquents, rendant plus disponible l’eau surtout là où elle fait défaut, réduisant ainsi les risques d'inondations et permettant de stocker l'eau, qui serait ensuite utilisée pour l'irrigation pendant la saison sèche.
Un choix stratégique devrait être fait afin de valoriser les productions des petits agriculteurs ayant des superficies agricoles très limitées au Maroc, en favorisant un traitement plus écologique, des choix techniques créant plus d’emploi, et rendant de plus en plus systématique la labellisation des produits de territoires grâce au soutien de l’état et à l’intervention des universités de chaque région et des collectivités territoriales.
Les circuits courts de commercialisation des produits agricoles frais dans les villes et les villages permettraient plus d’échanges de proximité, plus de solidarité et une meilleure qualité des produits.
Les grands villages et douars satellites plus ou moins lointains bénéficieraient de transports en commun avec une fréquence régulière et élevée, pour un déplacement à moindre prix et rapide vers le cœur des villes, ce qui encouragerait les échanges avec les milieux urbains.
Et pour augmenter les possibilités de gains partagés, les ruraux des villages profonds vivant près des écosystèmes les plus fragiles seraient impliqués davantage dans la réintroduction de plusieurs espèces disparus ou menacés pour stimuler un écotourisme de qualité avec tout ce que cela implique de retombées positives et génératrices de revenus pour les populations locales.
Le Maroc post-Covid aura ainsi capitalisé sur les enseignements de cette crise et saisi cette occasion pour enclencher une transition écologique sur le plan énergétique, urbanistique, démocratique et agricole, permettant ainsi une concrétisation progressive des principes des communautés durables selon les principes de bien être, de cohésion sociale, de préservation des ressources, d’attractivité et de résilience.
Voilà en somme le Maroc de demain tel que je l’imagine et auquel je vous invite.