Viens, on discute d’énergie au Maroc !

Le secteur de l’énergie peut sembler en apparence assez complexe et difficile à comprendre au premier abord. Nous voulons changer cela. Vous trouverez ici des explications simples et compréhensibles sur tout ce que vous devez savoir sur l'énergie au Maroc.

Le secteur de l’énergie peut sembler en apparence assez complexe et difficile à comprendre au premier abord. Nous voulons changer cela. Vous trouverez ici des explications simples et compréhensibles sur tout ce que vous devez savoir sur l'énergie au Maroc.

En effet, en plus d’être un domaine très technique nécessitant la compréhension de certaines notions de base assez difficiles à saisir pour les non-initiés, l’énergie représente bien souvent un secteur opaque, expliqué le plus souvent à travers des données et des chiffres que peu de citoyens peuvent saisir, faute des compétences nécessaires pour. 

Le rapport d’une large partie des citoyens et des citoyennes marocain-e-s à l’énergie se limite donc, à la simple réception et lecture de la facture d’électricité chaque fin de mois. 

Pourtant, l’énergie est aujourd’hui plus que jamais un enjeu stratégique de taille pour tous les pays du monde. En effet, on entend de plus en plus souvent parler de transition énergétique, notamment au Maroc où le pays a adopté depuis 2009 une nouvelle stratégie énergétique basée essentiellement sur les énergies renouvelables, le développement de l'efficacité énergétique et le renforcement de l'intégration régionale.

Et afin que cette transition soit la plus efficace et la plus étendue possible, il est essentiel que les citoyens et les citoyennes y contribuent en étant conscients de la situation actuelle et des enjeux énergétiques présents et futurs pour le pays.

Cependant, le secteur de l’énergie peut sembler assez intimidant et répulsif de prime abord tant il semble compliqué à appréhender dans sa globalité ! Mais paradoxalement, le citoyen marocain  se pose fréquemment et spontanément beaucoup de questions légitimes lorsque, financièrement, il s’en retrouve affecté … Que ce soit de près ou de loin, nous citoyens et citoyennes du Maroc sommes toutes et tous -directement ou indirectement- concerné-e-s par les questions énergétiques ! Nous y prêtons le plus souvent attention lorsque nous constatons les montants de nos factures d’électricité, lorsque nous achetons nos bonbonnes de gaz pour la cuisine ou lorsque nous nous indignons ou nous nous réjouissons devant la hausse ou la baisse des prix de l’essence ou du gasoil pour nos véhicules.

Sauf qu’au-delà de l’aspect financier de la chose, il est intéressant de s’intéresser au secteur de manière systémique et holistique afin d’en saisir le fonctionnement et d’en comprendre les fluctuations et leurs répercussions sur nos vies au quotidien. 

Cette série de chroniques écrites vient expliquer de manière simplifiée et accessible quelques notions de base relatives à l’énergie en général et à comprendre le fonctionnement du secteur énergétique au Maroc.

Comment se présente la situation énergétique au Maroc ?

Un pays à forte dépendance énergétique…

Il faut savoir que la situation de l’énergie au Maroc est très fortement liée à la singularité du contexte local. Le Maroc est un pays confronté à la quasi-absence de ressources énergétiques fossiles identifiées (hydrocarbures, charbon) sur son territoire. 

Ceci dit, et afin de produire son énergie et de se doter en électricité, le pays a tout de même recours aux ressources fossiles (essentiellement les produits pétroliers et le charbon) dont nous ne disposons pas in situ et que nous achetons à d’autres pays.

Le calcul est donc vite fait et l’équation est très claire : Le Maroc fait par conséquent face à une lourde dépendance des importations qui couvrent aujourd’hui près de 90 % des besoins énergétiques du pays. Cette dépendance énergétique est toujours jugée très élevée bien que en baisse régulière depuis les dernières années : En effet, avoisinant les 96% jusqu’en 2008, la tendance est actuellement à la baisse semble, en raison notamment de la hausse de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays à partir de l’année 2009, où elle passe à 94,6% pour atteindre 89 % en 2019 [1].

Cela signifie donc que, à défaut de disposer de ressources énergétiques primaires au niveau national, nous restons un pays fortement dépendant des importations extérieures pour notre propre approvisionnement en énergie ! Energie sans laquelle nous aurons effectivement beaucoup de mal à satisfaire l’ensemble de nos besoins domestiques quotidiens, les besoins du secteur public et les besoins requis pour le fonctionnement des secteurs de production indispensables à la croissance économique du pays.

Bref, Vous l’aurez compris, au Maroc, notre approvisionnement en énergie dépend encore beaucoup de ressources fossiles dont nous ne disposons malheureusement pas en quantité suffisante sur notre territoire national pour subvenir à l’ensemble de nos besoins... qui, par ailleurs, ne cessent de croître !

… Et en forte croissance !

Eh oui ! Pays en développement et en plein essor, le Maroc a connu depuis le début du 20e siècle une croissance continue de la demande d’énergie, liée notamment aux nouvelles industrie ayant vu le jour dans le pays, à la progression démographique, au développement global de l’économie et à l’augmentation du niveau de vie des ménages.

Selon les données de l’AIE (l’Agence Internationale de l’Energie), la consommation d’énergie primaire du Maroc a augmenté de 32% entre 2007 et 2017 et les chiffres ne cessent d’augmenter !

A titre d’exemple, le rythme de croissance du pays et la progression de la demande entre 2009 et 2019 a fait passer la consommation nationale brute d’énergie primaire de 15,1 millions TEP (Tonne Equivalent Pétrole) en 2009 à 23,37 millions de TEP en 2019. Pour rappel (et pour que vous ne perdiez pas le fil), la « TEP » est l'unité de mesure énergétique correspondant à l’énergie fournie par la combustion d’une tonne de pétrole. Cette unité est utilisée pour exprimer dans une unité commune la valeur énergétique des diverses sources d'énergie. Elle a été mise au point pour pouvoir comparer entre elles la consommation ou la production énergétique d’un pays ou d’un territoire, quelles que soient les sources d’énergie concernées. 1 tonne équivalent pétrole = 41,868 gigajoules (GJ) ou 11 630 kWh.

Selon les conventions internationales, une tonne d'équivalent pétrole équivaut par exemple à 1 616 kg de houille, 1 069 m³ de gaz d'Algérie ou 954 kg d'essence moteur. Pour l'électricité, 1 tep vaut 11,6 MWh.[2]

 

La consommation d'énergie primaire par habitant au Maroc se chiffrait donc en 2015 à 0,56 TEP, ce qui correspond à environ 712 litres d'essence. En 2019, le Maroc affichait un taux de 0,65 TEP par habitant, ce qui est -il faut le dire- encore bien loin des niveaux de consommation par habitant observés dans les pays développés ou dans plusieurs pays à revenu intermédiaire. Cette consommation d’énergie primaire par habitant reste même en réalité  bien inférieure à la moyenne mondiale qui est de 1,88 TEP/habitant[3].

Néanmoins, au Maroc comme dans de nombreux pays émergents, la tendance est toujours la hausse et il est prévu que la demande énergétique par habitant va encore continuer à augmenter dans les prochaines années.

 

Graphique 1: Evolution de la demande en énergie primaire (2009-2019)

Graphique 1: Evolution de la demande en énergie primaire (2009-2019)

En bref -encore une fois-, dans un pays en pleine émergence économique,  force est de constater que la demande nationale en énergie primaire a augmenté en moyenne de près de 5% pendant les vingt dernières années, tirée par la croissance de la consommation électrique qui a augmenté en raison de la quasi généralisation de l'électrification en milieu rural, de notre économie émergente et surtout en raison de la politique des grands chantiers en infrastructures, industrie, agriculture, tourisme, logements, etc… en plein boom au Maroc !

Le message est ici plutôt clair : la demande en énergie au Maroc est en constante augmentation depuis les 2 dernières décennies et nous marocains et marocaines consommons de plus en plus d’énergie, c’est un fait !

Une dépendance qui coûte de l’argent !

Etant dépendant des importations extérieures en matière d’énergie, vous imaginez bien que cela coûte de l’argent -beaucoup d’argent même- au pays !

En effet, la dépendance du Maroc à l’égard des importations de combustibles fossiles expose le pays à des prix volatiles et élevés des produits pétroliers. En 2019, ces dépenses ont atteint 76,3 MMDH !

La part de la facture des produits pétroliers est prépondérante, atteignant 75% de la facture énergétique totale[4].

Vous pouvez vous dire que cela ne nous concerne pas directement…, l’approvisionnement en énergie étant la prérogative de l’état et les prix des ressources dépendants des fluctuations mondiales et du prix du baril de pétrole ... Certes…Mais détrompez-vous !

Vous comme moi, simples consommateurs lambda, sommes directement impliqués et payons –en quelque sorte- le prix de cette dépendance.

En effet, les consommateurs marocains paient directement à travers les factures et les tarifs des produits énergétiques (carburants, électricité …) ou indirectement (impôts) dans le cas des subventions accordées à certains produits, notamment le butane.

Donc pour résumer, l’Etat ne supporte directement qu’une partie de ces dépenses colossales qui coûtent cher au pays, soit un peu plus de 15% (subvention butane). Le reste est supporté directement par les consommateurs – nous citoyens et citoyennes du Maroc.

Bref, vous l’aurez bien compris, l’énergie est bel et bien l’affaire de tous !

Si la non-disponibilité avérée de ressources énergétiques fossiles au Maroc est une fatalité de la nature sur laquelle nous n’avons aucune main hélas, il nous incombe en revanche de faire des choix énergétiques intelligents en conséquence. Et pour ça, nous sommes toutes et tous directement concerné-e-s.

En ce sens, la transition énergétique apparait comme un win-win deal pour tous ! Tout le monde y est gagnant (oui oui même vous qui lisez ce bout de papier !), l’idée étant d’utiliser des ressources naturelles dont regorge le Maroc à défaut de disposer de ressources fossiles (eh oui, Hamdoullah, nous ne manquons pas de soleil ni de vent :)), de produire localement notre propre énergie, de moins dépendre de l’extérieur pour notre approvisionnement et d’assurer notre sécurité énergétique.

L’idée est aussi de produire une énergie propre bas carbone, moins polluante des écosystèmes et de l’environnement, ce qui risque non seulement de nous accorder une place de choix parmi les pays œuvrant mondialement pour la lutte contre les changements climatiques, mais aussi de nous permettre de disposer d’une énergie locale accessible et bon marché pour tous.  Votre portefeuille en sera plus rempli et n’en sera que plus content :)

Vous l’aurez là encore compris, la transition énergétique n’est pas juste une affaire d’écolo bornés qui veulent à tout prix sauver la planète de l’invasion des gaz à effet de serre, mais c’est aussi votre affaire et l’affaire de tout un chacun puisque ça touche –directement ou indirectement- à votre portefeuille (ou à votre poche, comme nous avons l’habitude de dire de manière populaire ici au Maroc :)

Dans la prochaine chronique, nous continuerons de vous élucider petit à petit les mystères de l’énergie et nous tenterons cette fois de répondre à la question :  : D’où vient l’énergie que nous utilisons au Maroc ?

 

*Propos recueillis auprès de Tayeb Amegroud, expert en Energie


[1] Calculs de l’auteur à partir des données du MEME

[2] Selon les données de l’INSEE

[3] Source : AIE et WB

[4] Source (MEF)