
Des poissons qui se nourrissent de plantes, et inversement.
J’ai découvert l’aquaponie lors d’une visite à une ferme urbaine. Amina, une ingénieure agronome passionnée, m’y a fait comprendre le fonctionnement de cette technique révolutionnaire, qui allie l’élevage de poissons à la culture de plantes, dans un système circulaire où chacun nourrit l’autre. Amina m’a notamment expliqué comment les déjections des poissons, riches en nutriments, sont utilisées pour fertiliser les plantes. En retour, ces plantes filtrent et purifient l’eau, qui est ensuite renvoyée dans les bassins de poissons. Ce système fermé crée un cycle harmonieux et écologique de production alimentaire, et peut transformer nos villes en des espaces plus verts et autosuffisants.
L’aquaponie est en effet une réponse forte et efficace aux défis environnementaux et alimentaires que nous pose un monde en perpétuelle expansion démographique et où la pression sur les ressources naturelles s’intensifie. La population mondiale est passée d’un milliard d’habitants en 1800 à 7,7 milliards en 2019, et chaque individu consomme désormais une part croissante de ces ressources précieuses. Ce phénomène met en lumière les défis criants de notre époque : la sécurité alimentaire est compromise par le manque de terres arables et la raréfaction de l’eau, amplifiant ainsi les tensions environnementales.
Si l’aquaponie apparaît comme une véritable révolution, son histoire remonte aux anciennes civilisations. Les Aztèques, en particulier, utilisaient des îles flottantes pour faire pousser leurs cultures. Aujourd’hui, l’aquaponie a été redécouverte et adaptée aux contextes urbains modernes pour répondre aux besoins croissants de durabilité. Elle combine des pratiques anciennes d’aquaculture à la modernité de l’hydroponie. En fusionnant ces méthodes, l’aquaponie transforme non seulement la production alimentaire, mais redéfinit également notre rapport à l’environnement urbain.
Les bénéfices de l’aquaponie ne se limitent pas à l’économie ; ils englobent également des impacts écologiques positifs. En réduisant l’empreinte carbone grâce à une production locale, elle minimise les besoins de transport tout en préservant les écosystèmes locaux par des pratiques de culture biologiques. Cette approche holistique promeut également la biodiversité en intégrant diverses espèces végétales et animales, contribuant ainsi à un environnement urbain plus résilient et dynamique.
Dans plusieurs régions du monde, de l’Australie aux États-Unis en passant par le Kenya, l’aquaponie a prouvé son efficacité. En Australie, par exemple, des fermes aquaponiques urbaines produisent des légumes et du poisson de manière durable, alimentant des communautés locales tout en éduquant le public à l’agriculture durable. Sur le continent africain, de nombreux pays explorent le potentiel de l’aquaponie comme solution à l’insécurité alimentaire. Le Bénin se distingue par l’étude scientifique menée pour évaluer la performance d’un système aquaponique simple, conçu à partir de matériaux disponibles localement. L’étude a testé trois densités différentes de tilapias du Nil (Oreochromis niloticus) et les a combinées avec des cultures de laitue (Lactuca sativa) et d’amarante (Amaranthus cruentus). Les résultats montrent que la densité la plus élevée (40 poissons) permet de produire plus de biomasse de poisson, tandis que les plantes ont bénéficié des nutriments fournis par les poissons, avec une croissance optimale de l’amarante et de la laitue. Ce type de système aquaponique pourrait bien s’avérer une alternative viable pour les communautés locales, leur offrant une production durable de poissons et de légumes. Quant au Burkina Faso, l’aquaponie est y présentée comme une alternative prometteuse dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, deux problèmes majeurs dans les régions sahéliennes. Une étude propose cette technique agricole innovante comme solution, en soulignant ses avantages en termes d’économie d’eau – elle utilise entre 5 et 10 % de l’eau requise par l’agriculture traditionnelle – et d’efficacité dans des zones où l’agriculture conventionnelle peine à garantir des rendements suffisants. L’aquaponie pourrait ainsi contribuer à l’autosuffisance alimentaire dans des régions où les techniques traditionnelles, comme le Zaï, montrent leurs limites. Ces initiatives montrent comment cette technique peut être adaptée à divers contextes tout en restant viable et bénéfique.
Cependant, le vrai pouvoir de l’aquaponie réside dans son impact social. En éduquant les communautés aux pratiques durables et en renforçant la sécurité alimentaire urbaine, elle devient un catalyseur de changement. En encourageant l’engagement communautaire et en créant des emplois locaux à chaque étape de la chaîne de valeur, ce modèle nourrit non seulement les corps, mais aussi les esprits, forgeant des communautés plus fortes et plus unies.
Ainsi, notre projet d’aquaponie ne se contente pas de répondre aux défis contemporains ; il trace une voie vers un avenir où la durabilité et l’abondance cohabitent harmonieusement. En adoptant cette approche intégrée, nous aspirons à transformer les villes en havres de prospérité et de résilience, où chaque citoyen joue un rôle crucial dans la construction d’un avenir plus durable et équitable. L’aquaponie, par sa capacité à revitaliser nos écosystèmes urbains tout en nourrissant nos communautés, incarne l’essence même de l’innovation durable du XXIe siècle.