Bienvenue à Sabila Djemaa, à Marchane, nous sommes en 2033 et les habitants profitent d’un quartier convivial marqué par une vie sociale dynamique et citoyenne. La rue Imam Hanafi, centre social et commercial du quartier a été aménagée en espace de coexistence avec des bancs et des arbres.
On y trouve tous les services du quotidien. Elle est accessible pour les livraisons de 8 à 10 heures du matin, réservée au marché quotidien de 10 à 14 heures et ensuite elle redevient un espace convivial de promenade et de rencontre pour le plus grand plaisir des habitants. Toutes les rues du quartier sont devenues piétonnes. Après la crise sanitaire de 2020, les habitants se sont rendu compte que tout était imbriqué : qualité de vie, santé, aménagement urbain et développement durable. De nombreuses maisons ont opté pour des façades et toitures végétales. Les enfants apprécient la multiplication des espaces verts, devenus autant de nouvelles aires de jeux et de découverte et qui s’érigent en bouclier contre l’îlot de chaleur, les inondations et le bruit. De nouveaux logements à énergie positive permettent aux jeunes ménages de ne pas quitter le quartier. Tout le monde a pris l’habitude de laisser la voiture au garage et à utiliser les moyens de transports alternatifs, les taxis partagés, le vélo ou encore la mobilité douce grâce à « Tanger Maps ».
Tout cela est possible grâce au comité de quartier et à une meilleure organisation entre les habitants. Par exemple, le ramassage des déchets ménagers et le tri sélectif se font au niveau du point propre du quartier. Il n’y a plus de bennes à ordures dans les rues. Des jeunes ont créé une startup pour le recyclage. Sur le terrain en friche du verger Bouçouf, le potager collectif est devenu un lieu de rencontre et de partage intergénérationnel.
Rien d’extraordinaire ! En fait, la ville durable n’est pas une utopie ! Elle détient probablement une réponse aux crises de demain. Plus de 65% de la population est devenue urbaine et dans un monde aux ressources limitées où les pollutions ont des conséquences irréversibles sur le réchauffement climatique, les villes doivent se réinventer pour devenir soutenables. Plus question d’imperméabiliser les sols au risque de transformer une simple pluie en inondation torrentielle ou de construire de nouveaux quartiers toujours plus loin sans transport non polluant et sans équipements. Parce que tout est en interrelation, conjuguer à la fois bien-être, santé, activités, mobilité, patrimoine, métabolisme et biodiversité sont les nouveaux défis de la ville durable.
Mais plus de durabilité nécessite surtout des changements de comportement. La planification durable devient alors un projet de société qui développe une vision globale sur l’ensemble du système urbain où le quartier est probablement l’échelle la plus appropriée pour agir. En effet, il développe le sentiment d’appartenance à la communauté nécessaire pour établir un processus effectif de participation des citoyens au quotidien. C’est la ville de proximité qui permet une mobilité douce et une bonne mixité sociale et fonctionnelle. Le « vivre ensemble » qui comprend solidarité intergénérationnelle, intégration sociale et mixité fonctionnelle entraîne une appropriation des espaces urbains. Le quartier devient alors un lieu dynamique de création et de croissance économique qui profite à tous. La préservation du patrimoine matériel et immatériel entre dans une logique d’identification au lieu. L’objectif est de capitaliser sur ce qui existe de bénéfique, pour transformer un quartier existant en écoquartier.
Dans le cas de Sabila Djemaa, la rue Imam Hanafi est très dynamique avec de nombreux commerces. Chaque jour, les « Jeblyas » des villages limitrophes viennent vendre leurs fromages « bildi » ou des légumes frais, une sorte de circuit court d’approvisionnement des produits du terroir. Mais cette rue connaît aussi des nuisances dues aux nombreuses voitures causant stress et pollution. Et dans l’ensemble tout le quartier nécessite des travaux de revitalisation et de rénovation urbaine : revêtement et éclairage des ruelles, programme de rénovation des maisons de plus de 40 ans, plantations d’arbres d’alignement, évacuation des ruines, recasement des logements insalubres, restauration de demeures patrimoniales, création d’espaces verts, aménagement des terrains nus pour insérer des équipements de proximité (salle communautaire, garderie, potager collectif ou encore aire de jeux). Une meilleure organisation doit limiter les conflits piétons – voitures et permettre aux espaces publics de redevenir des lieux de sociabilisation. La mobilité s’organise autour de la multimodalité avec les transports collectifs, les taxis partagés, les deux roues ou encore la marche le long des parcs linéaires. Pour franchir le dénivelé de 70 mètres entre la zone modale de Dradeb et Sabila Djemaa, on peut imaginer une passerelle et un ascenseur urbain situé dans un immeuble multifonctionnel : parking couvert aux sous-sols, commerces et hôtel aux étages avec vue sur la vieille montagne. Ainsi, la voiture ne sera plus en permanence dans l’espace public, stationnée dans ces ruelles trop étroites. La ville durable encourage aussi les constructions innovantes à énergie positive multifonctionnelles et les nouvelles technologies pour améliorer la mobilité ou la gestion des ressources en eau ou en électricité. Mais si la tertiarisation, les énergies renouvelables et la numérisation sont une immense opportunité pour améliorer la mobilité et le métabolisme urbain, l'évolution des comportements et de l'organisation de la société, reste l’action principale. Dans cette organisation, penser à l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, entre dans une logique du droit à la ville pour tous. Dans le même ordre d’idée, la ville ne doit plus être un obstacle pour la biodiversité. À Marchane, la falaise est un espace protégé pour la faune et la flore de la région. Au lieu de considérer la nature en ville, il est essentiel d’inverser le regard et de situer la ville dans la nature. Entre passé et futur, patrimoine naturel et historique nous enracinent dans cette continuité du désir de transmettre notre mémoire collective.
La ville doit être considérée comme un écosystème en équilibre, complexe et diversifié où la revitalisation urbaine joue un rôle majeur. C’est un changement de paradigme, un urbanisme innovant où le TOUT est plus que la simple somme des parties. « Construire la ville sur la ville », c’est permettre à notre milieu de vie, notre quartier, notre habitat de devenir plus résilient face aux crises de demain.