C’est une idée fausse largement répandue : du moment que nous trions nos déchets, nous n’avons pas besoin de changer nos habitudes de consommation. Mais la réalité est tout autre : une grande partie des déchets plastiques n’est pas recyclée, mais incinérée ou rejetée dans l’environnement.
Malgré ce qu’en disent les médias, très peu de plastiques sont recyclés aux États-Unis puisque le pays recycle moins d’un dixième des déchets plastiques qu’il produit. L’essentiel est mis en décharge.
Depuis les débuts de la production de masse des matériaux synthétiques, dans les années 1950, 9,2 milliards de tonnes de plastique ont été fabriquées, dont 24 % seulement sont toujours en cours d’utilisation, ce qui fait un total de 6,3 milliards de tonnes de déchets produites. Aucune solution n’a pour l’instant été trouvée pour traiter ces quantités colossales sans causer davantage de problèmes.
Les emballages, qui représentent 40 % de tous les déchets plastique, posent des problèmes bien particuliers. La plupart sont conçus pour n’être utilisés qu’une fois puis jetés, mais ils sont très difficiles à recycler, car ils sont souvent constitués de plusieurs couches de matériaux. À l’échelle mondiale, nous recyclons à l’heure actuelle 14 % des emballages plastiques, même si, le plus souvent, il s’agit en réalité d’un « décyclage » qui donne un produit de qualité inférieure. 40 % sont mis en décharge, 14 % sont brûlés dans des incinérateurs et les 32 % restants finissent dans l’environnement, que ce soit dans des dépotoirs, dans des cours d’eau, dans la mer ou dans l’air que nous respirons.
La présence de plastique dans l’environnement pose toutes sortes de problèmes écologiques et sanitaires qui vont au-delà du spectacle désolant de ces plages jonchées de bouteilles ou de ces sacs et papiers d’emballage balayés par les vents dans les rues de nos villes. Fabriqués à partir des ressources fossiles que sont le pétrole et le gaz et mélangés à des additifs dangereux, les plastiques peuvent rester des centaines de milliers d’années dans la terre ou dans les océans. En mer, ils menacent les organismes marins, notamment les poissons, les oiseaux et les mammifères. Sur terre, les effets, sanitaires et autres, de leur lente décomposition et de leur infiltration dans les sols et les aliments continuent à faire l’objet de recherches.
Le brûlage à l’air libre est un moyen de se débarrasser des plastiques, mais cette technique rejette du dioxyde de carbone et de nombreuses substances toxiques contenues dans les déchets. Elle est donc polluante et aggrave en outre le changement climatique puisque ce sont des hydrocarbures qui sont brûlés.
L’incinération reprend la technique du brûlage à l’air libre mais à échelle industrielle. Il existe différents types d’approches parmi lesquelles la revalorisation des déchets en énergie, la co-incinération dans des chaudières industrielles ou des fours à ciment et les technologies de revalorisation du plastique en combustible telles que la gazéification et la pyrolyse. Mais, à l’instar du brûlage à l’air libre, ces approches rejettent des polluants atmosphériques sous la forme d’irritants respiratoires, de dioxines et de furanes cancérigènes, de métaux lourds comme le mercure, le cadmium et le plomb, ainsi que de gaz à effet de serre notoires. Même les équipements sophistiqués de contrôle de la pollution ne parviennent pas à empêcher totalement l’émission de ces polluants. Ceux qui ne s’échappent pas dans l’air se concentrent dans les cendres qui sont ensuite mises en décharge ou mélangées à du ciment et à d’autres matériaux de construction. C’est ainsi qu’ils pénètrent dans le sol et les nappes phréatiques.
S’ajoute à cela que l’incinération est un processus extrêmement coûteux, d’une part du fait des investissements et de l’entretien qu’elle nécessite, mais aussi parce que, les déchets étant un combustible très peu efficace, le système a besoin d’un approvisionnement constant pour rester opérationnel. La combustion des déchets solides est ainsi l’activité industrielle la plus nocive pour l’environnement aux États-Unis au regard des avantages qu’elle présente. Elle nuit en outre au recyclage en brûlant des matériaux récupérables et captant des investissements qui pourraient aller aux énergies réellement renouvelables et aux solutions zéro déchet.
Si le recyclage est préférable à l’incinération, il n’est pas sans poser d’énormes problèmes économiques et techniques, ce qui explique que seuls 10 % de tous les plastiques jetés aient été recyclés. De natures différentes, ceux-ci nécessitent des traitements séparés, et même la technologie la plus avancée ne récupère que de petites quantités de même valeur que le matériau d’origine. En effet, le recyclage produit généralement un mélange de plastiques de mauvaise qualité qui ne peut servir que pour des usages de faible valeur comme les poteaux de panneaux de signalisation routière. Or le marché de ce type de produits est restreint.
Les fabricants préfèrent utiliser du plastique neuf, très bon marché, plutôt que des matériaux recyclés de mauvaise qualité qui nécessitent d’être triés et transformés, ce qui coûte cher. Résultat : une grande partie des déchets des pays développés est expédiée à l’étranger. Mais en janvier 2018, la Chine, jusque-là importatrice numéro un
de ces produits, a mis fin à cette pratique, obligeant le marché à trouver d’autres débouchés. Aux États-Unis, la ville de Philadelphie envoie désormais ses recyclables à Chester, située non loin, où ils sont brûlés.
Le procédé appelé « recyclage chimique », qui consiste à transformer les plastiques en combustibles et en gaz, n’est pas davantage souhaitable. En effet, la décomposition des molécules en matières premières réutilisables n’est pas envisageable à grande échelle, car elle génère des émissions et des sous-produits toxiques et nécessite énormément d’énergie. Les différentes tentatives se sont heurtées à des échecs retentissants, provoquant incendies et explosions et entraînant des pertes financières. Aux États-Unis, l’Agence pour la protection de l’environnement estime que ce procédé présente des risques sanitaires comparables à ceux de l’incinération classique.
Les procédés actuels proposant une autre utilisation des déchets plastique ne peuvent traiter les volumes produits, qui sont considérables. Et avec l’augmentation de la consommation, même le recyclage de haute qualité ne parvient pas à faire baisser les quantités de pétrole et de gaz extraites. La solution la plus efficace pour remédier aux dégâts causés par ce matériau au terme de sa durée de vie utile serait donc d’en réduire la production à la source, et la première mesure à prendre est d’éliminer les articles à usage unique.