D’où vient l’énergie que nous utilisons au Maroc et qu’est-ce que nous-en faisons ?

Après un petit aperçu sur la situation énergétique du Maroc dans la chronique précédente, et maintenant que vous saisissez un peu mieux les contraintes et les défis auxquels nous devons faire face lorsqu’on parle d’énergie dans notre pays, il est temps maintenant d’évoquer les sources d’énergies que nous utilisons au Maroc et de jeter un coup d’œil sur les usages que nous en faisons…

Eclairage dans la chronique qui suit pour y voir un peu plus clair !

Tout d’abord, il faudrait saisir le sens de cette question... (avant que vous ne nourrissiez de faux espoirs par rapport à ce qui va suivre… Oui, oui nous tenons à mettre les choses au clairs dès le début :-) !)  Lorsqu’on se demande d’où vient l’énergie utilisée au Maroc, nous ne faisons pas référence ici au lieu de provenance de cette énergie, mais plutôt aux sources primaires à base desquelles elle est produite.

S’il est très ancré dans nos usages urbains et modernes d’appuyer sur un interrupteur ou de brancher une prise et d’avoir de l’électricité comme produit final, il faudrait peut-être se demander quelle matière première est utilisé afin que nous soyons approvisionnés en électricité par exemple !

Une question qui peut paraître sans intérêt de prime abord, surtout si l’on vit dans un environnement où on est réduit au statut de simples consommateurs et où l’on pourrait croire qu’il s’agit d’un produit garanti et disponible jusqu’à la fin des temps …

Mais détrompez-vous messieurs-dames, l’énergie que nous utilisons au Maroc pour nos besoins quotidiens provient en grande partie de ressources primaires limitées!

Les explications dans ce qui suit…

Comment se présente notre mix énergétique marocain… ?

La structure du bilan énergétique au Maroc reste majoritairement dominée par les produits pétroliers, même si leur part dans la consommation énergétique a nettement baissé entre 1980 et 2019 en passant de 83 % en 1980 à 57,5 % en 2019[1].  A titre de comparaison, au niveau mondial, la contribution moyenne des produits pétroliers est de l’ordre de 31%.

En revanche et pendant la même période, la part du charbon dans le bilan énergétique national, est passée de 8% en 1980 à près de 28,5% en 2019. Sa consommation s’est développée surtout dans la génération de l’électricité, avec la mise en service de plusieurs centrales à charbon au Maroc au cours des six dernières années.

Le gaz naturel qui contribue de façon importante dans le mix énergétique de la plupart des pays de la région MENA et des pays riverains de la méditerranée, est relativement moins important et ne représente que 3,7%, grâce d’une part à la partie en nature de la redevance reçue du passage du Gazoduc Maghreb Europe et d’autre part aux importations en provenance d’Algérie (contrat de dix ans signée en 2011 entre l’ONEE et la SONATRACH)[2]. Le gaz est utilisé majoritairement dans la production de l’électricité.

Mais il n’y a pas que le pétrole, le charbon ou le gaz naturel dans le mix énergétique marocain. Il y a aussi une part de plus en plus grandissante qui est occupée par les énergies renouvelables ayant connu un nouvel essor au cours de la dernière décennie.

Visuellement et avec des chiffres, voilà ce que ça donne :

Image retirée.Graphique2 : Répartition de la demande en énergie primaire par source en 2019

Graphique2 : Répartition de la demande en énergie primaire par source en 2019

Source : MEMEE et calculs expert

En 2019, la part des énergies renouvelables[3] dans le mix énergétique marocain a été estimée à 8,9 %, une part toujours timide pour l’instant, certes, mais en constante évolution.

Attention, on parle ici de mix énergétique et non pas de mix électrique ! Pour éviter toute confusion, le mix énergétique est la répartition des différentes sources d’énergies primaires - énergies fossiles, énergies renouvelables ou énergie nucléaire - utilisées afin de répondre aux besoins énergétiques d’un pays. Ces différentes sources d’énergies sont utilisées dans le but de produire de l’électricité mais également dans d’autres usages comme le transport ou l’industrie, …etc.

Le mix électrique représente, quant à lui, la répartition des différentes sources d’énergies (charbon, pétrole, gaz, énergies renouvelables etc…) qui sont utilisées spécifiquement utilisées dans la production de l’électricité.

Comment cela se justifie ?!

Si les produits pétroliers restent prédominants dans le mix énergétique marocain, cela est dû au recours aux carburants, gasoil et essences, essentiellement utilisés dans le secteur du transport.

Il y’a en effet une progression nette des ventes du gasoil due à l’évolution du parc de véhicules en circulation au Maroc.

Quant au gaz butane, ses ventes ont continué leur progression en ligne avec l’évolution du nombre de ménages et l’effet d’urbanisation (le butane étant encore largement utilisé par les ménages marocains pour le chauffage de l’eau et la cuisson) et son utilisation répandue dans le secteur agricole pour les besoins de pompage d’eau, en enregistrant ainsi une augmentation annuelle moyenne de 4% sur la période 2009 - 2019.

Comparé au profil de consommation énergétique des pays de la région MENA, le Maroc présente un profil singulier. A titre d’exemple, la demande en énergie primaire de la Tunisie est dominée par le gaz naturel (48,7%) et les produits pétroliers (40,8%), la contribution des énergies renouvelables, toutes technologies confondues, n’est que de 1%[4]. Dans le cas de la Jordanie, le mix de la demande énergétique se présente comme suit : 54,8% pour les produits pétroliers, 35,4% pour le gaz naturel et 7% pour les énergies renouvelables[5].

Cependant, le Maroc est sur la bonne voie pour s’affranchir des importations d’énergie primaires des pays voisins, et ce, en grande partie grâce au développement de la filière des énergies renouvelables.

En effet, on peut déjà noter que les échanges de l’électricité avec l’Espagne et l’Algérie ont significativement décliné ces dernières années pour s’inverser en 2019 avec le Maroc qui est devenu exportateur net de l’électricité vers l’Espagne. Devenues structurelles, depuis le début des années 2000, ces importations – pour rappel- servaient à combler le déficit de la production électrique nationale et à répondre à la forte croissance de la demande électrique.

… Pour quels usages ?

Maintenant que vous êtes un peu plus conscients des ressources que nous mobilisons au Maroc pour produire notre énergie, il serait peut-être tout aussi intéressant de nous pencher sur les usages que nous en faisons. Si nous avons tous besoin d’autant d’énergie dans notre pays (et encore nous sommes loin d’être les plus gros consommateurs de la planète je dois dire…), c’est que beaucoup de nos usages – directs et indirects – en dépendent au quotidien.

Voyons cela d’un peu plus près.

En 2019, L’utilisation de l’énergie au Maroc est largement dominée par trois secteurs

  • Le transport (41%),
  • Le résidentiel (25%)
  • L’industrie (19%),

Si vous faites le calcul, ces 3 secteurs représentent à eux seuls 85% la consommation finale en énergie. Le graphique ci-dessous montre l’utilisation énergétique dans les secteurs du transport et pour les usages domestiques, a augmenté de façon significative a plus que doublé sur les vingt dernières années (160% pour le transport et 98% dans le résidentiel).

Graphique 3: Consommation énergétique finale par secteur (2019)

Graphique 3: Consommation énergétique finale par secteur (2019)

Image retirée.Source : MEME

 

A 75%, les hydrocarbures (charbon, gaz, pétrole) constituent la source dominante dans la consommation énergétique finale au Maroc. Pour vous imaginer cela, il faut savoir que l'énergie finale est l'énergie « prête à l’emploi » livrée au consommateur pour sa consommation finale (ex : essence à la pompe, électricité au foyer, bonbonne de gaz pour la cuisson ou le chauffage, etc.).

Cela signifie que la plus grande part de l’énergie finale consommée au Maroc est sous forme d’hydrocarbures (75%), suivi par l’électricité (17%) et la biomasse traditionnelle (7%).

Cela est sans doute dû au fait que le transport est un secteur très énergivore : Nous pouvons en attester puisque lorsque nous allons mettre le plein dans notre voiture, nous consommons directement de l’énergie dans sa forme finale d’utilisation : l’essence ou le gasoil par exemple.

Le graphique ci-dessous montre qu’alors que les hydrocarbures représentent 99,5% des besoins du secteur du transport, la part de l’électricité est plus importante pour les autres secteurs :  

  • 23% dans le secteur agricole,
  • 24% pour le résidentiel,
  • 33% dans l’industrie
  • 38% pour le secteur tertiaire.

La biomasse traditionnelle[6] est surtout utilisée dans le résidentiel, notamment dans le monde rural, et dans le tertiaire (à 50%), dans les hammams et les fours traditionnels (ce qui explique leur prédominance dans ce secteur).

Graphique 4: structure de la consommation énergétique finale par secteur (2019)

Image retirée.

Graphique 4: structure de la consommation énergétique finale par secteur (2019)

Source : MEME

Après avoir parcouru cet article –que nous avons développé avec beaucoup de bienveillance pour essayer de vous simplifier la compréhension d’un secteur bien complexe -  et si vous avez toujours un peu de mal avec les propos mentionnés (ou si vous avez été un peu paresseux et que vous n’avez pas osez y aller jusqu’au bout, ne vous inquiétez, voici dans ce qui suit un récap’ avec les principales idées et conclusions à emporter avec vous.

  • Le pays dépend quasi totalement des importations pour son approvisionnement en sources énergétiques : 90% des besoins en 2019.
  • A l’image d’une grande majorité des autres pays, les énergies fossiles couvrent une part significative de la demande énergétique au Maroc : presque 80% en 2019.
  • Les produits pétroliers, notamment les carburants gasoil/essence et le butane, sont essentiellement utilisés par les secteurs du transport et dans le résidentiel (cuisson et chauffage de l’eau sanitaire).
  • Malgré les efforts récents, les énergies renouvelables modernes (éolien, solaire, hydroélectricité et biomasse) ne représentent que 8,9% de la consommation nationale en énergie primaire.
  • La biomasse traditionnelle, le bois de feu, est utilisé dans le monde rural pour les besoins de cuisson et de chauffage, ou dans les hammams et certains fours artisanaux dans les villes.
  • L’électricité est utilisée principalement dans l’industrie et le résidentiel. Le secteur du transport est peu électrifié.
  • Comparé aux pays de la région, la consommation énergétique par habitant est faible. Elle est inférieure à la consommation par habitant en Tunisie, Jordanie et Egypte. Elle est trois fois inférieure à la consommation moyenne mondiale.
  • La transition d’un mix énergétique dominé par les énergies fossiles vers un scénario où les énergies renouvelables joueraient un rôle plus important représente le défi des années à venir pour le Maroc. Au vu de la taille des besoins, des infrastructures socio-économiques en jeu, la transformation du système énergétique sera complexe, parfois coûteuse et devra faire l’objet de directives fortes et claires élaborées par l’Etat.

 

*Propos et chiffres recueillis auprès de Tayeb Amegroud, expert en Energie

 

[1] Données statistiques du MEME

[2] « Du gaz Algérien au Maroc », https://aujourdhui.ma/24-heures/du-gaz-algerien-au-maroc-78320, visité le 10 Septembre 2021.

[3] Solaire, Hydraulique, éolien et biomasse

[6] La biomasse traditionnelle comprend le bois utilisé comme combustible, les résidus agricoles, les déjections animales, le charbon de bois, etc…

Viens, on discute d’énergie au Maroc !