THEY WANT TO BREAK FREE

Société civile

Le mouvement de la société civile d’ampleur mondiale baptisé « Break Free From Plastic » s’emploie à mettre fin pour de bon à cette pollution. Il a recours à  l’exposition médiatique et à la transparence pour mettre la pression sur les entreprises.

Cartographie de la résistance - Pays et régions comptant le plus d’entités membres du mouvement « Break Free From Plastic »

Le mouvement « Break Free From Plastic » compte plus de 1800 entités membres. La plupart se trouvent en Amérique du Nord, en Europe et en Asie du Sud-Est.

 Allez donc faire un tour dans votre épicerie de quartier pour acheter un encas ou une boisson. Ils vous seront vraisemblablement servis sous un emballage ou dans un récipient en plastique, dont il faudra bien que vous vous débarrassiez d’une façon ou d’une autre. Il en va de même pour un grand nombre de produits tant il est difficile de ne pas acheter quelque chose – de quelque taille que ce soit – sans rentrer chez soi avec un tas de plastique qui finit à la poubelle. Et pourtant, ce sont les consommateurs qu’on accuse d’être responsables du problème des déchets. Un mouvement est toutefois né qui entend montrer qui sont les véritables coupables, à savoir cette industrie mondiale qui produit et consomme du plastique.

Cela fait des dizaines d’années que les industriels réduisent la pollution au plastique à un problème d’incivilité et de traitement des déchets. Cette approche, largement dominante partout dans le monde, n’est aucunement remise en cause, ni par les responsables politiques ni par le grand public. Elle permet au secteur de débiter ses produits et emballages jetables tout en faisant porter le chapeau aux consommateurs en matière de déchets et en faisant peser la responsabilité de leur gestion sur les autorités au niveau local.

Des mouvements citoyens et environnementaux issus du monde entier ont toutefois commencé à s’unir pour exposer au grand jour les activités de l’industrie du plastique et s’y opposer. Depuis son lancement en 2016, le mouvement mondial baptisé « Break Free From Plastic » (BFFP) a été rejoint par plus de 1800 entités et des milliers de partisans à travers les six continents. Son objectif est de mettre un terme à cette forme de pollution en exigeant une réduction drastique de la production et de l’utilisation des plastiques à base de combustibles fossiles. BFFP entend démontrer qu’il s’agit d’un fléau systémique auquel il convient de remédier en s’attaquant à la source du problème, et il s’oppose frontalement à l’industrie des plastiques en lui demandant des comptes et en exigeant de sa part transparence et action. 

BFFP est le premier mouvement à regrouper des entités du monde entier qui s’opposent aux différents stades du cycle de vie des plastiques et qui, sous une bannière commune, ont décidé d’oeuvrer ensemble à un même objectif : provoquer un changement de grande ampleur en s’attaquant à la pollution sur l’ensemble de la chaîne de valeur de ces matériaux, en mettant l’accent sur les actions préventives plutôt que curatives et en proposant des solutions à long terme.

Les dix plus gros producteurs de déchets - Résultat de 239 « audits par marque » (comptage des déchets) réalisés dans 42 pays, en nombre de déchets plastiques (2018)
En 2018, les « audits par marque » réalisés par « Break Free From Plastic » ont comptabilisé 187 851 morceaux de déchets plastiques à travers le monde.

Le défi est de taille. Car la production, la distribution et l’élimination des plastiques implique une longue liste d’entreprises parmi les plus puissantes au monde, que ce soit les géants du pétrole Exxon- Mobil, Chevron, Shell et Total, de la chimie Dow, BASF, SABIC et Formosa Plastics, de la grande distribution Procter & Gamble, Unilever, Nestlé, Coca-Cola et PepsiCo ou encore les spécialistes de la gestion des déchets SUEZ et Veolia. La plupart de ces multinationales, sinon toutes, sont sourdes aux appels à une diminution de la production de plastique. Reconnaître une telle nécessité voudrait dire renoncer à leurs projections de croissance optimistes, mettre un terme à leurs sacro-saintes pratiques commerciales qui reposent sur l’utilisation de plastiques à usage unique et accepter de faire moins de profits. Elles s’efforcent donc, au contraire, de continuer à ancrer les biens de consommation jetables dans le quotidien des habitants de la planète. 

Le mouvement BFFP a ouvert quatre fronts dans sa guerre contre cette industrie. Premièrement, il fait pression sur les entreprises pour qu’elles réduisent radicalement leur production et leur consommation de plastiques à usage unique. Deuxièmement, il décode les messages envoyés par le secteur et rétablit la vérité. Troisièmement, il soutient les villes zéro déchet, notamment en Asie. Quatrièmement, il continue à bâtir et à renforcer le mouvement en faveur d’un monde sans plastique.

BFFP fait campagne pour que les fabricants qui « externalisent » leur pollution vers les consommateurs modifient leurs pratiques. Avec ses partenaires, le mouvement réalise des « audits par marque » qui consistent à récupérer des déchets et à les classer par société qui les a générés. Ces audits, qui ont été conduits partout dans le monde depuis 2017, ont permis de populariser l’expression « déchets de marque » et de placer les entreprises sur la défensive. Ne voulant pas que leur marque soit associée directement à des déchets, un certain nombre d’entre elles ont commencé à se fixer des objectifs pour éliminer certains types de produits problématiques et accroître la collecte et le recyclage de leurs emballages. C’est une avancée, mais on est encore loin du compte si on veut réduire drastiquement les quantités de plastiques jetables en circulation.

En braquant les projecteurs sur les plastiques problématiques et inutiles qui abondent sur le marché, ces audits mettent au jour les véritables acteurs qui se cachent derrière cette pollution et contrent les discours des industriels selon lesquels ce sont les consommateurs et les systèmes de gestion des déchets qui posent problème, notamment dans les pays en développement d’Asie.

Les audits par marque ne se contentent pas de critiquer, ils proposent aussi des solutions. En Asie, plusieurs entités membres de BFFP travaillent ainsi auprès de certaines villes en s’appuyant sur les données fournies par ces audits pour instaurer des systèmes de gestion des déchets qui ne nuisent ni à l’environnement ni aux populations. Sous l’égide du mouvement, au moins 26 municipalités d’Asie se sont engagées à devenir des « villes zéro déchet ». Et en Europe et aux États- Unis, les membres de BFFP ont obtenu l’adoption de mesures décisives contre la culture du tout-jetable prônée par l’industrie des plastiques.

En janvier 2019, le secteur, soumis à une pression grandissante, a créé « l’Alliance pour mettre fin aux déchets plastiques ». 30 entreprises se sont engagées à investir 1,5 milliard de dollars dans des infrastructures de gestion et d’élimination des déchets, notamment en Asie. Mais ces mêmes entreprises ont aussi prévu d’investir 89,3 milliards de dollars d’ici 2030 dans des programmes de développement de la production de plastique, accentuant davantage encore le recours aux combustibles fossiles pour fabriquer ce matériau.

Il est indispensable de continuer à bâtir et à consolider ce mouvement si nous voulons nous élever contre les multinationales. Il est encore jeune, mais le nombre de ses membres et sa portée ne font que croître et c’est tout un réseau d’opposition aux ambitions des industriels du secteur qui se met peu à peu en place et qui apporte sa contribution à la création d’un monde libéré de la pollution au plastique.