Des effets secondaires non négligeables – quels sont les risques des pesticides ?

Les pesticides sont présents dans l’air qui nous entoure, les cours d’eau, les fruits et légumes que nous consommons. Même notre corps héberge des centaines de produits chimiques différents. Le recours accru à ces substances dans l’agriculture peut engendrer des effets très graves sur la faune et la flore, ainsi que la santé humaine, en particulier celle des agriculteurs en contact direct avec ces substances. Malheureusement, la logique économique prime souvent sur les préoccupations écologiques, lorsqu’il s’agit d’augmenter les rendements agricoles.

Quels effets nocifs les pesticides peuvent-ils avoir sur l'Homme et l'environnement ?

Les effets des pesticides dépassent souvent le but pour lequel ils sont utilisés. Malheureusement, Ils touchent aussi des espèces non-ciblées. La réalité est que la majorité des pesticides finissent loin de l’objet du traitement prévu. A titre d’information, plus de 98 % des insecticides pulvérisés sur les cultures et 95 % des herbicides atteignent une destination autre que leurs cibles d’origine.[1] Les vents peuvent les transporter dans les zones d’habitat ou de pâturage, tandis que le ruissellement peut les ramener vers des milieux aquatiques, ce qui peut avoir un impact nocif sur d’autres espèces et l’environnement de manière globale.

La gestion des pesticides en termes de production, de transport et de stockage peut constituer un autre problème. Il a été constaté que la manipulation de ces produits chimiques par les agriculteurs, surtout dans les pays en voie de développement, se déroule souvent de manière aléatoire. L’utilisation des emballages non-adéquats ou des outils de traitements défectueux augmente les risques sur la santé humaine et l’environnement. Les premières victimes de cette méconnaissance sont les agriculteurs eux-mêmes. Le non-respect des consignes d’utilisation des pesticides (vêtements de protection, port de masques, etc.) peut en effet entrainer d’importants problèmes de santé pour les agriculteurs.

Alors que les intoxications par exposition aux pesticides sont faciles à identifier, les effets sur la santé par des faibles doses dans les aliments font toujours l’objet de controverses. Généralement, il est difficile d’étudier les effets à long terme de chaque matière active. L’effet cocktail des mélanges de substances a également été très peu étudié à ce jour. Si le débat sur les dangers des résidus de pesticides sur la santé humaine est toujours ouvert, les effets des pesticides sur la biodiversité et les écosystèmes naturels sont faciles à démontrer. Les conséquences se caractérisent tout d’abord à court terme à travers une intoxication directe et indirecte des organismes. De plus, l’utilisation des pesticides réduit la quantité de nourriture disponible pour plusieurs prédateurs en tuant les insectes et les graines d’adventices.

Les pesticides ont un impact destructeur sur la faune et la flore : 40% des abeilles sauvages sont en voie d’extinction à cause de l’utilisation massive des insecticides néonicotinoïdes. Ces insecticides appartiennent à la famille des insecticides neurotoxiques systémiques ayant la capacité de se diffuser dans toutes les parties de la plante y compris les fleurs. Les abeilles ont pourtant un rôle crucial car ils sont considérés comme les plus importants pollinisateurs de la planète. Elles peuvent polliniser jusqu’à 80% des espèces sauvages, 75% des plantes cultivées et 90% des arbres fruitiers.[2] Les oiseaux sont également en danger. Avant son interdiction, l’insecticide DDT a conduit à l’extinction du Faucon Pèlerin.

L’eau, source de la vie est aussi menacée : Les dommages causés par la dilution des pesticides dans les eaux sont particulièrement préoccupants. Les concentrations élevées des produits chimiques entrainent une dégradation des écosystèmes aquatiques. De plus, les nappes phréatiques sont contaminées par l’infiltration liée à l’épandage agricole des pesticides. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fixé le taux limite tolérable de la concentration du nitrate dans l’eau potable à 50mg/L. Cette limite est souvent dépassée à cause des activités agricoles conventionnelles.

Enfin, l’efficacité des pesticides elle-même est menacée. En effet, l’application multiple des produits phytosanitaires sur les ravageurs augmente la résistance de ces derniers. En même temps, les effets néfastes des pesticides sur les adventices favorisent la résurgence des ravageurs. Il s’agit ici d’un cercle vicieux entrainant un véritable déséquilibre écologique.

Dans quelle mesure ces effets se produisent-ils au Maroc ?

Sans aucun doute, l’utilisation massive des pesticides au Maroc a des impacts néfastes sur l’environnement, la santé, l’économie et la société.

Au niveau sanitaire, le président de la Cour des comptes, M. Driss JATOU, a averti contre les dangers de l’utilisation des pesticides dans le domaine agricole au Maroc, dans son rapport présenté devant la commission du contrôle des finances publiques à la Chambre des représentants le 07 janvier 2020. Le rapport avait mis en garde contre la non-conformité de 59% de la menthe circulant sur le marché local, 78% du persil et 36% de la coriandre. Le risque sanitaire est alors très élevé. Une autre enquête réalisée par TelQuel a montré après analyse d’échantillons que 11 marques du thé marocain sont contaminés par près de 30 pesticides.

Comme l’affirme Jean Philippe BRINGER, ancien agriculteur arboricole basé au Maroc, relate avoir expérimenté des problèmes de santé causés par des intoxications aux pesticides. Il a été hospitalisé pendant 2 ans et était au bord de la septicémie. Ces problèmes de santé l’ont poussé à arrêter la production et à arracher tous ses arbres.

M. BRINGER ne fait pas exception. Les premières alertes des dangers sur la santé humaine sont issues de constats chez les agriculteurs ayant été en contact direct avec ces substances. Ces agriculteurs ont développé des allergies cutanées ou oculaires, des problèmes de respiration, et des toux, ainsi que des maladies chroniques selon leur exposition à des doses élevées d’une manière fréquente.[3]

Pour mieux comprendre l’impact des pesticides sur l’environnement et précisément sur les sols et les nappes phréatiques, nous avons échangé avec le Dr. Hassan Mayad professeur nématodologiste à l’université Ibn Zohr à Agadir. Selon M. Mayad part des constats lors des analyses des sols des serres de la production maraichère de Souss Massa sur les nématodes. Il constate que les fumigations généralisées par des nématicides (Pesticides contre les nématodes parasites du sol) créent un vide biologique. Ce ne sont pas que les activités pathogènes qui sont éliminées, mais aussi les organismes bénéfiques au sol, comme les bactéries, les champignons et les nématodes. Le résultat est catastrophique : une perte importante de la biodiversité du sol et un déséquilibre des services écosystémiques.

D’après M. MAYAD, Les organismes bénéfiques du sol jouent un rôle essentiel dans la minéralisation de la matière organique, source de la nutrition de la plante. Leur rôle apparait également dans la protection des plantes à travers les activités des bactéries et des champignons.

 

[1] George Tyler Miller, Sustaining the Earth : An Integrated Approach, Thomson/Brooks/Cole, 2004, p. 211–216.

[2] Tautz J., 2009. L’étonnante abeille, Ed. De Boeck

[3] Zine, Ghita, 2021: L’agroécologie, une alternative aux intrants chimiques. In : Houdaifa, Hicham, 2021 : Maroc : Justice climatique, urgences sociales, p. 132-139.

Que sont les pesticides et à quoi servent-ils?
Gouvernance des pesticides au Maroc