L’agriculture est un moteur clé de la croissance économique marocaine, principal secteur contributeur au PIB national et premier pourvoyeur d’emploi. La production agricole, et en particulier les exportations, poussées par le Plan Maroc Vert, ont connu une croissance fulgurante au cours des dix dernières années. Ainsi, la valeur des exportations marocaines a plus que doublé depuis 2009, pour atteindre près de 40 milliards de dirhams en 2019. Au vu de l’importance du secteur agricole pour l’économie du pays, le Maroc a tout à gagner d’un contrôle strict pour assurer la qualité de ses fruits et légumes, à la fois pour le marché intérieur et pour l’exportation. Nous nous intéresserons dans cet article aux contrôles concernant l’utilisation des pesticides et les résidus dans les aliments destinés au marché intérieur et à l’export.
Comment les contrôles pour les produits agricoles destinés à l’exportation sont-ils effectués ?
Avec 39.5 milliards de Dirhams en 2020, les exportations agricoles jouent un rôle fondamental dans l’économie nationale. A cet effet, le Maroc a créé en 1986 l’établissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE), renommé récemment en Morocco Foodex. Morocco Foodex exerce le contrôle technique des produits alimentaires agricoles et maritimes marocains destinés à l’exportation, conformément à la législation en vigueur, en vue de s’assurer de la conformité aux exigences des marchés de destination. Morocco Foodex dispose de ses propres laboratoires d’analyses, notamment des analyses physico-chimiques pour détecter tout résidu de pesticides et assurer son respect des LMRs. Un produit agricole marocain ne peut pas être exporté avant la validation et l’autorisation de Morocco Foodex.
Pour mieux comprendre le rôle de Morocco Foodex, nous avons interrogé M. Mustapha KHIBABI, un responsable de développement au sein de l’établissement. M. KHIBABI confirme que le rôle de Morocco Foodex est de contrôler exclusivement les exportations, et non les importations ni dans le marché intérieur. Morocco Foodex contrôle la conformité de l’étiquetage, l’emballage et surtout les analyses des résidus en conformité avec le pays destinataire. D’après M. KHIBABI, chaque pays dispose de son propre cahier de charge, ses limites maximales de résidus (LMR) et sa tolérance de produits phytosanitaires au niveau des produits conventionnels et biologiques. Par exemple, la qualité exigée pour l’huile végétale exportée vers les Etats Unis n’est pas la même pour le marché européen ou japonais. En conclusion, Morocco Foodex travaille sur la cohérence des exportations avec les exigences des clients internationaux.
Malheureusement, le grand nombre d’exportations et de stations de conditionnement posent un très grand problème. Morocco Foodex ne peut pas analyser chaque expédition. Il réalise ainsi un échantillonnage aléatoire et effectue des analyses pour des produits à grand risque, la menthe par exemple.
Face à ces contraintes, toutes les exploitations agricoles qui produisent pour l'exportation se sont adaptées aux exigences de l'État. Pour se rapprocher de ces exigences, nous avons discuté avec M. Omar ELMASSAFAH, le gérant de la société HerbINN, l’un des principaux exportateurs des herbes aromatiques conventionnelles et biologiques au Maroc. M. ELMASSAFAH a expliqué que la société HerbINN envoie des échantillons au client pour effectuer des analyses multi-résiduelles sur les pesticides utilisés pour confirmer le respect des limites autorisées. Le client réalise soit des analyses microbiologiques ou des analyses sur la présence de métaux lourds, selon le produit. Après l’approbation de l’extrait, la préparation du dossier d’exportation est entamée. Un échantillon du lot à exporter devra être envoyé à l’ONSSA pour un contrôle visuel et un passage au laboratoire pour des analyses multirésiduelles. Si la production est conforme aux normes, on fournit une attestation phytosanitaire ; un document indispensable pour l’export. Après, c’est le rôle de Morocco Foodex, qui se déplace au niveau de la station de conditionnement pour procéder à des prélèvements à partir des lots à exporter. Le traitement de l’échantillon prend en moyenne 7 à 10 jours. Après validation, l’exportation peut avoir lieu.
Comment les produits agricoles destinés au marché marocain sont-ils contrôlés ?
Alors que les produits exportés subissent deux contrôles internes et un troisième contrôle à l’arrivée au marché de destination, le contrôle de la chaine de valeur des produits agricoles au niveau local est plus difficile. Les circuits courts et les marchés hebdomadaires compliquent le rôle de l’Etat.
En plus, le contrôle du marché local pour l’ONSSA est très exigeant dans les circonstances actuelles en raison du manque de ressources humaines, car L’ONSSA opère dans plusieurs secteurs (gastronomie, abattoirs, produits maritimes, etc.).
Face à ces faiblesses, les organisations de consommateurs dénoncent le manque de contrôle des produits phytosanitaires au Maroc. Ils soulignent notamment que le cadre juridique pour les contrôles du marché local n'est pas suffisant et que les autorités compétentes manquent du personnel nécessaire. Bouazza KHERRATI, le président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur, critique que la loi 13-83 relative à la répression des fraudes sur les marchandises exclut les produits végétaux frais de tout contrôle et donc s’applique seulement lorsqu’ils sont emballés. Il plaide pour faire en sorte que les produits d’origine végétale non-emballés soient également soumis à un contrôle strict en matière d’usage abusif des pesticides.
Le contrôle de la vente de pesticides constitue une autre difficulté. La concentration des grandes firmes de distribution dans les plaines et les zones irriguées ou le bour favorable laisse la place vide au marché noir dans les zones vulnérables et montagneuses. Les pesticides se vendent dans les Souks hebdomadaires en détail sans aucun encadrement ni contrôle. Pour mieux comprendre la relation entre les petits agriculteurs du marché local et les revendeurs des pesticides, nous avons interrogé M. Saïd ALHYAN gérant de la société Phytoamassine, une société agrée par l’ONSSA pour la revente des produits phytosanitaires à Belfaa Chtouka Aitbaha. M. ALHYAN distingue deux types de clients : un client expérimenté qui connait bien son problème phytosanitaire et recherche le pesticide adéquat, et un client inexpérimenté qui vient chercher des conseils et des produits phytosanitaires pour lutter contre les ravageurs. M. ALHYAN a confirmé que le respect des doses et des délais avant récolte (DAR) est lié au degré de sensibilisation de l’agriculteur car il n’y a pas de contrôle direct. M. ALHYAN voit une évolution très importante de la demande de divers pesticides au niveau local en lien avec l’augmentation des problèmes phytosanitaires.
Pour une meilleure compréhension de la logique de l’application des pesticides au niveau national, nous avons échangé avec M. Abdellah LABIB, un producteur des herbes et des légumes pour le marché local. Mr LABIB procède d’une manière classique. Il utilise souvent un fongicide autorisé nommé ORTIVA et une gamme de produits bien définis pour les cultures qu’il maitrise. Pour les nouvelles maladies et les ravageurs inconnus, M. LABIB s’adresse aux revendeurs. M. LABIB confirme l’absence du contrôle par les autorités. Mais l’ONSSA a récemment appelé les agriculteurs à respecter les directives d’utilisation des pesticides. Il a distribué des registres de traçabilité et les listes des produits autorisés avec les limites maximales de résidus (LMR) et les DARs à ne pas dépasser. M. LABIB ajoute qu’en cas de fraude, les agriculteurs seraient avertis de sanctions pénales.