L’utilisation des pesticides dans l’agriculture peut entrainer des impacts dévastateurs sur l’environnement et la santé humaine. Au Maroc, la prise de conscience par rapport à ces effets secondaires a fortement augmenté au cours des dernières années. Avec la nouvelle stratégie Generation Green, le gouvernement mise sur le développement de l’agriculture biologique. Du côté des agriculteurs et des consommateurs, une sensibilité par rapport aux dangers des intrants chimiques se dessine progressivement. L’importance de l’agriculture biologique et de l’agroécologie sont pourtant encore loin de faire consensus auprès de tous les acteurs du secteur agricole et de la distribution.
Quels efforts sont entrepris au niveau étatique pour minimiser les effets négatifs des pesticides ?
La nouvelle stratégie agricole « Generation Green » est venue consolider les acquis de dix ans d’implémentation du Plan Maroc Vert en mettant le facteur humain comme point focal du développement agricole au niveau national. Lancée en 2020, cette stratégie prévoit une harmonie entre l’aspect économique et la durabilité environnementale pour faire émerger une agriculture résiliente capable de s’adapter aux changements climatiques et aux exigences des marchés.
A cet égard, l’état marocain vise à réduire les activités phytosanitaires classiques et à promouvoir l’agriculture biologique. L’objectif est de convertir 100.000 Ha de terrains agricoles en agriculture biologique à l’horizon de 2030. Rappelons que la superficie cultivée en bio a connu un essor jugé remarquable ces dernières années. Celle-ci est, en effet, passée de 4.000 ha en 2010 à plus de 14.000 ha en 2020. Une autre bonne nouvelle de cette stratégie est que celle-ci a classé l’agroécologie pour la première fois comme une filière indépendante dans la répartition des activités agricoles, et pour laquelle une première initiative a vu le jour en janvier 2022 avec la participation du nouveau ministre d’agriculture pour partager les expériences scientifiques sur la thématique de l’agroécologie face aux nouveaux enjeux de développement agricole durable. Cette rencontre a également été l’occasion de capitaliser sur les bonnes pratiques, les success stories et les innovations, en vue d’asseoir un nouveau centre national d’agroécologie au sein de l’Ecole nationale d’agriculture de Meknès, au service des chercheurs, étudiants et agriculteurs.
Dans le cadre de cette nouvelle vision, l’état marocain prévoit une meilleure gestion et organisation des souks afin d’encadrer l’utilisation des pesticides. Les autorités envisagent le renforcement des contrôles à l’accès des marchés et l’instauration des systèmes de traçabilités pour faciliter le suivi des applications au niveau des différentes fermes. L’ONSSA va donc multiplier ses interventions, comme celles réalisées en 2019 par exemple, où l’établissement a procédé à la destruction de plusieurs champs de menthe ayant été traités par des produits non-autorisés. L’ONSSA a également mis à jour sa liste de produits conformes en réduisant régulièrement le nombre de pesticides pouvant être utilisés.
Ces axes de contrôle vont être accompagnés par des campagnes de sensibilisation en faveur des agriculteurs dans le cadre du renforcement des capacités de l’élément humain. L’ONSSA veut bien élargir ses interventions au niveau local. Dans ce contexte, l’ONSSA organise des séances de sensibilisation à travers des rencontres directes avec les agriculteurs. Lors de ces rencontres, l’ONSSA distribue des listes de produits phytosanitaires autorisés ainsi que les limites et les doses à ne pas dépasser. L’ONSSA dispose aussi d’une plateforme numérique où plusieurs capsules audiovisuelles de sensibilisation ont été publiées en dialecte Marocain (Darija).
Quels efforts sont entrepris par les agriculteurs et quel et leur niveau de prise de conscience ?
Avec tous les efforts fournis par l’état et les multiples campagnes de sensibilisation organisées, les agriculteurs au Maroc commencent à comprendre de plus en plus leur devoir noble envers l’environnement et la santé humaine.
Au-delà des actions étatiques, la société civile marocaine est fortement impliquée dans ce mouvement. Par exemple, l’association CropLife en partenariat avec la coopération allemande GIZ ont organisé des séances de sensibilisation à destination des agriculteurs sur les dangers des pesticides et les bonnes pratiques de la manipulation des produits phytosanitaires.
Source image: https://www.croplife.ma/brochures/
La même association a lancé en 2018 une campagne nationale de sensibilisation sur les méfaits de la contrebande des produits phytosanitaires ainsi que leur impact sur l’environnement et sur la santé humaine. En 2020, elle a organisé des sessions de sensibilisation en partenariat avec l’office national du conseil agricole en faveur des conseillers agricoles, afin qu’ils puissent à leur tour, informer, conseiller et sensibiliser les agriculteurs sur les bonnes pratiques phytosanitaires de l’utilisation des pesticides.
Le rôle des interprofessions est primordial dans ce sujet. Il est fortement recommandé qu’elles sensibilisent leurs adhérents sur les dangers des pesticides ainsi que les bons usages des produits phytosanitaires. Des interprofessions comme la FiFel (Fédération Interprofessionnelle Marocaine de production et d'exportation des Fruits et Légumes) ou Maroc Citrus (Fédération interprofession des agrumes) peuvent exercer une grande influence sur le grand nombre des agriculteurs de ces filières.
Il est très important de souligner que les multiples actions de sensibilisation ont pu donner leurs fruits. La prise de conscience est en train de grandir. Une expérience à partager est celle de M. TAOUIL Abdelkader, un producteur de menthe de la zone de Tiznit. La menthe de Tiznit (Lharcha) est l’une des meilleures variétés de menthe au monde et est connue pour son arôme exceptionnel. Malheureusement cette menthe était l’un des produits les plus traités aux pesticides.
M. TAOUIL n’a trouvé aucune alternative que de se convertir à l’agriculture biologique pour se distinguer des producteurs conventionnels, qui dit-il, traitaient avec tout produit disponible. De plus, les revendeurs des pesticides étaient mal formés et moins encadrés, et pensaient juste aux profits à court terme sans aucune considération pour la santé humaine.
Selon M. TAOUIL, cette situation a beaucoup changé. Un canal de communication a été créé entre les producteurs de menthe et les organisations étatiques. Les producteurs ont parfaitement compris les risques liés aux résidus. Ils distinguent de plus en plus entre les produits autorisés des produits interdits et respectent généralement les délais avant la récolte (DARs) et les limites maximales de résidus (LMRs). Ils ont également appris à suivre leurs activités dans les registres fournis par l’ONSSA.