Dans de nombreux pays en développement, ce sont des ramasseurs d’ordures qui font le travail des services municipaux et des usines de traitement. Et qui remettent une part importante des déchets dans le circuit productif.
Les activités liées au ramassage informel des ordures couvrent un large spectre. Tous les travailleurs de ce secteur vivent principalement du traitement et de la vente des déchets.
Les ramasseurs de déchets subsistent en fouillant les ordures et en revendant ce qui possède une certaine valeur : articles en verre, papier, carton ou métal, mais aussi emballages, bouteilles et sacs en plastique. Ils sont très présents dans les villes d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, mais on les trouve aussi en Amérique du Nord et en Europe. On ignore exactement combien ils sont, mais des organismes locaux en Amérique du Sud estiment qu’il y en aurait environ 4 millions, dont un grand nombre de femmes et de filles. Lors d’une enquête menée auprès de 763 d’entre eux en Afrique, en Asie et en Amérique latine, 65 % ont déclaré que le ramassage et la revente des déchets représentaient l’essentiel de leurs revenus.
Le phénomène de la récupération des déchets est étroitement lié au creusement des inégalités sociales et économiques. Les personnes qui n’ont accès ni à l’instruction, ni à un logement, ni aux services de santé, ni même à la nourriture n’ont d’autre choix, en effet, que de subsister en triant les déchets des autres. De nombreuses familles de ramasseurs – qui s’étalent parfois sur trois générations – vivent à même les décharges ou non loin de fosses à ciel ouvert. Prises au piège de la pauvreté, elles sont confrontées à de nombreux problèmes de santé à force de manipuler des matériaux contaminés et de manger des aliments gâtés, et contractent des maladies au contact des mouches, rats et cafards. Les décharges sont en outre des lieux dangereux : il n’est pas rare, en effet, que des ramasseurs meurent en essayant d’atteindre les meilleurs matériaux que les camions déversent. Certains n’ont pas de toit ou vivent loin des zones aisées et commerciales qui génèrent des déchets. Ils poussent donc leur chariot jusqu’aux zones en question pour récupérer des déchets dans les poubelles et sur le bord des routes et retournent chez eux les trier et vendre ce qui peut être recyclé.
De nombreux ramasseurs se sont regroupés en associations, en coopératives ou en communautés afin d’avoir accès à des déchets d’une plus grande valeur marchande, de lutter contre la contamination et de revendiquer des conditions de travail plus sûres. En mutualisant des quantités accrues de matériaux, ils peuvent davantage exploiter leur pouvoir de négociation et s’assurer des tarifs plus élevés auprès des acheteurs. Ils peuvent également réclamer que les politiques locales et nationales leur garantissent de meilleures conditions de travail, des outils plus sûrs, des équipements de protection individuelle et une rémunération plus élevée. Dans de nombreux pays, en effet, les ramasseurs répartissent les ordures conformément aux catégories que leur impose l’industrie du recyclage et mènent des activités de sensibilisation à l’environnement auprès des résidents pour qu’ils mettent à part leurs déchets recyclables de façon à ce que ceux-ci puissent être revendus.
Les ramasseurs passent plus de temps que quiconque au contact des détritus de nos sociétés de consommation et connaissent très bien la composition et la nature des produits et des emballages en plastique de postconsommation. Et comme la vente de ces matériaux sur les marchés secondaires leur permet de gagner leur vie, ils savent très précisément quels articles sont valorisables. Les produits en plastique sont à cet égard les plus compliqués à collecter et à revendre, aussi bien du fait de leur conception que des conditions du marché. Dans certains endroits, l’écrasante majorité n’a aucune valeur sur les marchés secondaires ; ailleurs, ce qui est recyclable se limite à quelques produits seulement. En Amérique latine, par exemple, les ramasseurs de déchets ne travaillent qu’avec trois grands types de plastiques : le PET, le PEHD et le PEBD.
Ils sont souvent les seuls à récupérer ce qui peut être réutilisé sur les décharges, sauvages ou non, et à en approvisionner le marché secondaire, bouclant la boucle et créant une économie circulaire. En Amérique latine, les entreprises de recyclage recueillent 25 à 50 % de leurs matériaux auprès d’eux. Les ramasseurs contribuent par leur activité à réduire la quantité de matières premières à extraire et à transformer, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre, favorisant un environnement plus sain pour tous.
Les ramasseurs de déchets sont en prise directe avec les problématiques liées au plastique. Ils rassemblent et trient des détritus de toutes sortes, si bien que leurs coopératives sont mieux placées que quiconque pour mesurer les flux de déchets. Les prix tirés des déchets plastiques sont très bas comparés à ceux des rebuts en papier, carton ou métal, et la demande est saisonnière, ce qui ne permet pas d’en tirer un revenu régulier. Le tri des déchets – entre, par exemple, ceux qui sont recyclables et ceux qui ne le sont pas – prend en outre beaucoup de temps, et bien souvent, une grande partie ne peut être revendue.
Les ramasseurs d’ordures à travers le monde sont souvent marginalisés et leur travail n’est pas reconnu. Il est donc important que des lois soient adoptées pour renforcer leur statut de professionnels fournissant un service indispensable. Les coopératives ont besoin de davantage de soutien, notamment financier, pour pouvoir investir dans des locaux, des équipements ou encore des camions. C’est ce qui leur permettra de sortir d’une logique de subsistance et de se développer véritablement. Les ramasseurs et leurs familles ont également besoin que des initiatives soient prises en faveur de leurs conditions de travail, de leur logement et de leur santé. Il existe ainsi un système de bourse aux Philippines qui permet aux enfants des ramasseurs d’aller à l’école au lieu de devoir aider leur famille. Les producteurs, de leur côté, doivent contribuer à créer une économie circulaire en fabriquant des produits réutilisables ou recyclables et en mettant en place un dispositif de « responsabilité élargie du producteur » (REP) qui attribue une rémunération correcte aux ramasseurs.